La newsletter OnLib'Infos

Des articles dédiés à toutes les professions libérales

Femmes de Santé : rencontre avec quatre professionnelles déterminées à relever les défis de leur époque

Toutes professions libérales
Femmes de Santé : rencontre avec quatre professionnelles déterminées à relever les défis de leur époque
Femmes de Santé : rencontre avec quatre professionnelles déterminées à relever les défis de leur époque

À quel point est-il, aujourd’hui encore, compliqué d’être une femme lorsqu’on exerce dans le milieu médical ? Et quels sont les défis à surmonter ?

Onlib’Infos a recueilli le témoignage de quatre femmes, quatre professionnelles de santé aux parcours très différents mais réunies par une même détermination à faire bouger les lignes dans leur profession respective : Nathalie Delphin, chirurgien-dentiste, Marianne Lainé, médecin généraliste, Céline Rumi, sage-femme et Anne-Marie Lame, infirmière.

Merci à Margaux Darras, responsable coordination et membre du comité éthique et stratégique du collectif Femmes de Santé, de nous avoir mis en relation avec ces professionnelles engagées offrant une vision croisée des enjeux et de leur engagement pour l’avenir de leur profession.
INTERFIMO est partenaire de deux grands évènements annuels organisés par le collectif Femmes de Santé :  la Révélation des Femmes de Santé de l’année et les États Généraux, réflexions sur les thématiques phares du collectif.

Les femmes moins compétentes ... un manque de reconnaissance des femmes jugé « flagrant » par les professionnelles

Nathalie Delphin, chirurgien-dentiste et présidente du syndicat des femmes chirurgiens-dentistes, constate que « les femmes sont encore souvent considérées comme celles qui doivent soigner les enfants, celles qui travaillent moins, celles qui sont fatiguées... ». Cette perception faussée cantonnant les femmes à des rôles perçus comme moins exigeants ou moins importants « conduit à une perte de confiance en tant que professionnelle. À cela s’ajoute le fait que les femmes sont peu représentées au niveau décisionnel donc on nous écoute moins », déplore Nathalie Delphin.
Dans certaines professions, de fait très féminines, le combat se déplace. Parmi les 24 000 sage-femmes par exemple, seuls 3 % sont des hommes. Il ne s’agit donc plus ici de revendiquer sa compétence en tant que femme mais plutôt la place de sa profession dans le système de santé comme le souligne Céline Rumi, sage-femme depuis 15 ans : « nous venons de franchir un cap important avec le décret* autorisant les sage-femmes à réaliser des IVG instrumentales dans les mêmes conditions que les médecins, mais le respect de nos compétences médicales est loin d’être suffisamment acquis. Il reste encore de trop nombreuses situations dans lesquelles nous ne sommes pas intégrées dans les équipes de soin. » Même combat pour Anne-Marie Lame, infirmière libérale diplômée en plaies et cicatrisation, qui dénonce un manque de reconnaissance flagrant des compétences dans un système de santé qui doit se réinventer. « Le médecin est la clé de voûte de tout le système, mais sans les petites mains, le système s’effondre. »
* En vertu du décret n° 2024-367 paru au Journal officiel du 24 avril 2024, les sage-femmes spécialement formées pourront désormais pratiquer l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) instrumentale en établissement de santé dans les mêmes conditions de sécurité que les médecins.

Violences sexuelles et sexistes : une réalité encore bien (trop) présente

Au manque de reconnaissance des compétences, s’ajoute la persistance des violences faites aux femmes, un défi prioritaire pour Marianne Lainé, médecin généraliste et fondatrice de l’institut médical Simone Veil : « il faut arriver à signer la fin de l’omerta sur les violences faites envers les femmes médecin. Je l’ai moi-même vécu il y a 30 ans et cela perdure. À la Faculté de médecine de Rouen où j’étais maître de conférences, nous avons instauré, en partenariat avec la médecine du travail du CHU, des temps possibles d’entretien pour les étudiants. Les internes de toutes les spécialités ont bien identifié cette possibilité de consultation spécifique ». Affirmation largement partagée par Nathalie Delphin, selon qui « il persiste encore trop de comportements totalement déplacés de professeurs envers les étudiantes et les internes, ou des praticiens titulaires avec leurs collaboratrices. Dans une profession comme la nôtre qui comporte un engagement financier important, il est parfois très compliqué pour une femme de dénoncer ce genre de situation et de prendre ainsi le risque de devoir partir et recommencer ailleurs ». Anne-Marie Lame relève également ce climat de violences, « qui conduit de manière significative à une perte d’attractivité des métiers et contribue à décourager les jeunes professionnelles de poursuivre des carrières dans des environnements où elles ne se sentent pas valorisées ou respectées ».

Faire partir d’un collectif pour concrétiser ses projets...

Pour ces professionnelles, rejoindre le collectif des Femmes de Santé a été source de rencontres avec d’autres femmes talentueuses et déterminées à porter des projets innovants. « Le collectif est un organisme dynamique et inspirant qui favorise le développement personnel et professionnel, nous permettant d’élargir notre réseau et d’acquérir de nouvelles compétences » souligne en ce sens Céline Rumi qui a rejoint le collectif en septembre 2023. Même sentiment pour Anne-Marie Lame, exerçant en milieu rural. « Le collectif est l’occasion de rencontrer des femmes aux horizons divers. On a des idées mais on n'a pas forcément tout le concept qui va derrière pour les mettre en œuvre. En termes de gestion de projet, le collectif apporte beaucoup. »

et pour s’affirmer...

Marianne Lainé a découvert le collectif Femmes de Santé en 2023. « le nom est fort, c'est une symbolique dont nous avons besoin, un ancrage solide ». Sentiment partagé par Nathalie Delphin, installée en libéral à coté de Bordeaux dans un cabinet périurbain et un rural et qui a découvert le collectif il y a trois ans. « Je me suis sentie happée par cette appellation de “ femmes de santé ”. Même dans une profession ou l’on est à 50/50, on se sent très isolées parmi des d’hommes qui ont tendance à dénigrer nos compétences. Il est compliqué de faire les premiers pas et de trouver l’énergie pour s’affirmer ». Anne-Marie Lame confirme : « la force du groupe est notamment de mettre en avant des initiatives de femmes dans des secteurs très masculinisé ». « Faire partie d’un réseau comme le collectif me semble essentiel pour avoir un parcours de soin complet et sans perte de lien » conclut Céline Rumi.

Et la jeunesse dans tout ça ?

Quels conseils les professionnelles de santé confirmées des années 2020 souhaitent-elle donner aux jeunes qui démarrent ?
Pour Céline Rumi, il s’agit de « rester curieuse et ouverte à l’apprentissage continu et se rappeler que le rôle de sage-femmes est crucial mais qu’il va falloir se battre pour se faire reconnaitre ». Nathalie Delphin appelle les jeunes femmes chirurgiens-dentistes « à se faire confiance et à ne pas rester isolées. C’est un métier manuel et intellectuel magnifique, avec une grande palette de domaines d’interventions et qui évolue très vite. Il faut aller vers les autres professionnels de santé et savoir s’intégrer dans le parcours pour le patient sans avoir peur de dire ce que l’on fait et ce que l’on sait faire ». Anne-Marie Lame souhaite souligner, quant à elle, l’importance de conserver ses qualités humaines « en ne perdant pas de vue, malgré les difficultés d’exercice, les fondamentaux qui nous ont poussées à faire ces métiers de santé ». Selon Marianne Lainé, « l’interdisciplinarité est fondamentale et il faut conserver du temps pour s’engager dans des projets communs, tout en ne perdant pas de vue sa vie personnelle et sans culpabilité de vouloir allier les deux ! ».
 

En savoir plus

Nathalie Delphin, chirurgienne-dentiste, est également présidente du Syndicat Femmes Chirurgiens-Dentistes (SFCD). Elle anime des formations « accueil des femmes victimes de violences dans les cabinets dentaires » depuis 2018 et est assesseure prud’homale. Son projet : la prise en charge des séquelles bucco-dentaires pour les femmes victimes de violence intrafamiliales. Nathalie a été nommée parmi les Femmes de Santé 2022.

Marianne Lainé, médecin généraliste, est la fondatrice de l’Institut médical Simone Veil, modèle unique en France d'organisation des soignants pour la prise en charge des femmes en demande d'IVG. Objectif : développer un Institut médical Simone Veil par département. Marianne a été nommée parmi les Femmes de Santé 2023.

Anne-Marie Lame, infirmière, suit un Master 2 Droit de la Santé et de la Protection Sociale (DSPS). Son projet : la création d’un fonds d’entraide permettant d’aider les professionnels libéraux en cas de maladie grave. Au sein du collectif, Anne-Marie anime des « tips » pour le collectif Femmes de Santé.

Céline Rumi, sage-femme, a fondé Pelvimotion, une méthode de préparation à l’accouchement physiologique pour les couples souhaitant un accouchement sans péridurale au sein de structures hospitalières traditionnelles. Elle est également fondatrice et directrice de l’Institut de Formation En Mouvement pour les Métiers de la Santé (IFEMMS).

Margaux Darras gère l'ensemble du collectif Femmes de Santé ainsi que le volet opérationnel : communication, événements, animation d'ateliers et actions du collectif. Elle fait partie du comité éthique et stratégique du collectif. Margaux est également consultante sur les sujets d'égalité et accompagne les entreprises et les institutions dans leur démarche égalité.

 

Zoom sur
Le collectif Femmes de Santé, premier collectif pluriprofessionnel de femmes dans la santé

Créé en juin 2019

2 700 membres dont une cinquantaine d’hommes

Mission : contribuer par l’intelligence collective, pluridisciplinaire et par la sororité à la co-construction d’une santé durable, équitable et égalitaire et de mettre en lumière l‘expertise et les initiatives des Femmes de Santé.

3 thématiques phares

  • La place de la femme dans le secteur professionnel de la santé.
  • La santé des femmes.
  • La santé environnementale.

3 grands évènements annuel (en plus des événements de networking)

  • Journée Internationale des Droits des Femmes, le 8 mars : les femmes du collectif viennent pitcher leurs projets sur une thématique de santé.
  • Révélation des Femmes de Santé de l’année : mise en lumière d’initiatives portées par des femmes nommées par les membres du collectif. En 2024, 60 nominations et 8 femmes de santé élues.
  • Les États Généraux : réflexions sur les thématiques phares du collectif, pour faire bouger les lignes. À titre d’exemple, les recommandations des femmes de santé sur la santé de la femme réalisées en 2022 ont été exploitées dans le plan interministériel à l’égalité 2023-2027.

À suivre

  • La parution de la 2ème édition du baromètre sur la santé des femmes réalisé en partenariat avec l’institut d’études CSA est prévue d’ici la fin de l’année.
  • Une journée de formation sur la santé des femmes pour mieux appréhender leurs spécificités et mieux les accompagner, le 5 décembre.
  • Les États Généraux sur la place de la femme dans le secteur professionnel de la santé se tiendront le 6 décembre 2024.
onlib
Inscrivez-vous à notre newsletter
dédiée à toutes les professions libérales
Je m'abonne