6. Evaluer pour acheter, s'associer, vendre

En bref

Quel est le juste prix d’un cabinet ou d’une officine ? Selon les circonstances et les caractéristiques de l’entreprise libérale, le prix est une notion fluctuante : INTERFIMO vous présente une méthode d’évaluation pragmatique.


INTERFIMO, en liaison avec LCL, finance aux membres des professions libérales près de 6 000 opérations par an et étudie environ 10 000 projets par an, en majorité des reprises de cabinets ou pharmacies et des associations - ce qui en fait un observateur privilégié des comportements des acteurs et des prix.

Transmettre… éventuellement par étapes

Théoriquement, une activité libérale devrait être difficilement transmissible, puisque fondée sur une relation directe et personnelle entre un client ou un patient et le praticien qu’il a choisi.

En pratique, ce qui donne de la valeur à une entreprise libérale, c’est donc tout ce qui concourt à réduire l’exercice intuitu personae du praticien : la taille et l’organisation du cabinet, le rôle des collaborateurs, l’importance de l’adresse, le plateau technique, l’historique sur les clients, la récurrence des prestations, etc.

Néanmoins, une transmission progressive, en cours de carrière, à des associés qui deviendront plus tard des successeurs, sera pour bon nombre de libéraux la seule façon de patrimonialiser leur cabinet. L’exercice intuitu personae s’efface alors au profit d’organisations structurées, interprofessionnelles parfois.

Sans occulter les difficultés, de l’exercice en groupe, ce type de transmission, sécurisante pour l’acquéreur, présente aussi beaucoup d’avantages pour le cédant :

  • restant en place, il peut faciliter le report de confiance progressif de la clientèle sur ses associés et valoriser son droit de présentation,
  • il dispose d’une somme d’argent frais qui lui permet de faire des placements stratégiques, en vue de sa retraite, plusieurs années à l’avance,
  • ses nouveaux associés vont, grâce à leur travail, optimiser la part de cabinet qu’il conserve, en même temps que leur propre part.

Pour mettre en œuvre cette stratégie, les sociétés d'exercice libéral (SEL) sont des outils précieux : elles permettent à un praticien de vendre son cabinet à une société dont il restera l’un des associés jusqu’à la fin de sa carrière, voire jusqu’à 10 ans après son départ en retraite.

En outre, les SEL bénéficient d’une fiscalité d’entreprise (Impôt Société - IS) particulièrement favorable lorsqu’il s’agit de rembourser les emprunts qui financent des actifs incorporels (en principe) non amortissables, puisque les bénéfices consacrés au désendettement ne supportent ni charges sociales, ni impôt sur le revenu.

Les diagnostics préalables, indispensables à l’évaluation

En préalable à toute méthode d’évaluation une approche qualitative ou « diagnostic » sera indispensable.

Diagnostic de la profession

La fluidité des transmissions varie considérablement selon les professions libérales (voire selon les spécialités chez les  médecins ou les avocats par exemple) : les contextes démographiques et économiques sont différents, les concurrents externes (professions non réglementées, internet...) menacent ou non, les instruments juridiques et fiscaux de la transmission (ouverture du capital, holdings…) sont plus ou moins opérationnels.

A titre d’exemples

La plupart des chirurgiens-dentistes qui partent en retraite sont devenus beaucoup plus nombreux que les nouveaux diplômés, ce déséquilibre a provoqué une baisse importante de la valeur vénale des cabinets dentaires.

A l’inverse, les prix des laboratoires d’analyses ont beaucoup augmenté avec le développement effréné par croissance externe de groupes financiers.

Le développement des SPFPL de pharmacie a généralisé les cessions de titres, compliquant le processus d’évaluation. De plus, les prix sont devenus très hétérogènes en fonction de la taille des officines et non plus des secteurs géographiques.

Les cabinets médicaux, dont les transmissions étaient jadis fluides avec des prix compris entre 50 % et 80 % du chiffre d’affaires annuel, sont aujourd’hui rarement repris avec un grand nombre de praticiens qui mettent tout simplement la clef sous la porte sans avoir trouvé de successeurs.

Les raisons sont bien connues : installations libérales de plus en plus tardives, aspiration des jeunes au salariat, déséquilibres démographiques liés aux numérus clausus des années 90, etc.

Pour appréhender ces éléments, il est nécessaire d’effectuer un diagnostic de la profession :

  • l’environnement politique (dérégularisation européenne, atteinte aux monopoles…),
  • économique (économie de la santé, de la construction, des entreprises qui « consomment du conseil », voire l’environnement économique global dégradé suite à une crise…),
  • démographique (déséquilibre entre les promotions nouvelles et les départs en retraite, arrivée de confrères européens…).

Diagnostic de l’entreprise

Au-delà des caractéristiques de telle ou telle profession, un diagnostic qualitatif de l’entreprise libérale elle-même s’impose. Afin d’apprécier les avantages et les inconvénients de l’entreprise, il convient d’en analyser, notamment, les éléments suivants : 

La nature et qualité de la clientèle

Il s’agit de mesurer le risque de voir une partie des clients s’évaporer après la transmission du cabinet ou, a contrario, d’apprécier l’opportunité de développer d’autres prestations ou des prestations mieux facturées auprès de la clientèle existante.

On s’attachera donc à qualifier la dispersion et la diversité des clients ou des prescripteurs, leur âge moyen, leur localisation, la récurrence et l’ancienneté de leurs relations avec le cabinet… qui sont autant de facteurs de transmissibilité.

On envisagera par ailleurs la possibilité d’autres actes ou services, des tarifications différentes (notamment au regard des pratiques des concurrents) sans négliger le risque de voir partir les clients acquis.

Les équipements

Les équipements et aménagements traduisent un style de gestion du cédant, qui mérite parfois d’être corrigé pour optimiser la rentabilité intrinsèque du cabinet.

Les investissements supplémentaires indispensables devront être chiffrés et leur impact sur la rentabilité future pourra être mesuré par référence aux annuités d’un crédit.

Quant aux équipements et aménagements existants, ils auront pu être payés comptant, financés partiellement ou totalement par crédit ou crédit-bail, sur des durées variables.

La vraie charge économique de leur renouvellement n’est pas toujours reflétée par les « amortissements », « loyers de crédit-bail » et « frais financiers » des déclarations fiscales.

Il conviendra donc de retraiter ces postes, pour faire abstraction de la politique financière du prédécesseur.

Le personnel

En revanche, les salaires et charges sociales du personnel doivent être retraités avec une grande prudence.

La reprise d’un cabinet ou l'entrée dans une association induit la reprise des contrats de travail, des « avantages acquis », des indemnités de fin de carrière…

Les licenciements éventuels ne pourront être opérés que par le repreneur.

Il ne faut donc jamais se contenter d’une approche statistique sur les dépenses de personnel, car les situations dont peuvent hériter les successeurs sont trop diverses.

L'organisation

La qualité de l’organisation est un point capital.

Lorsque le repreneur s’occupe de la refonte des procédures, de la répartition des tâches, ou du système d’information… il ne se consacre pas aux prescripteurs ou aux clients.

Tout le temps et l’énergie gaspillés par une réorganisation pèseront lourdement sur la rentabilité et le développement futurs.

L'environnement juridique

La qualité de l’environnement juridique pose notamment la question des locaux professionnels.

Deux situations se rencontrent fréquemment :

  • soit les locaux sont la propriété d’un tiers et il convient d’anticiper ce qu’il adviendra du loyer ou, pire, du maintien dans les lieux à l’échéance du bail,
  • soit ils sont la propriété du titulaire, au travers d’une SCI le plus souvent, et les loyers (voire la répartition des charges) peuvent ne plus être conformes au marché ; un nouveau bail devient alors l’un des aspects de la négociation du prix du cabinet (mais le cédant est parfois gêné par l’antériorité de ses propres déductions fiscales).

Chez certaines professions la sécurité juridique repose aussi sur la pérennité de contrats d’exercice : comment s’assurer, par exemple, que le médecin repreneur bénéficiera d’un accès aux lits ou aux locaux de la clinique dans laquelle exerce le vendeur. 

Diagnostic de l’opération

Quant aux circonstances de l’opération, elles auront elles-mêmes une incidence majeure sur le prix.

Lorsqu’il s’agit, par exemple, d’acquérir une participation minoritaire dans une société exploitant un cabinet, l’acquéreur peut solliciter une décote pour tenir compte du fait qu’il n’aura pas le pouvoir de décider de la gestion, des investissements et des versements de dividendes qui conditionneront son revenu professionnel.

Les modalités de la cession vont également influer sur le prix : clause de révision de prix, garantie actif/passif, interdiction de réinstallation à proximité dans un délai déterminé, accompagnement du cédant et rémunération éventuelle de cet accompagnement.

Comment déduire un juste prix de ces diagnostics ?
Les méthodes d’évaluation

Il est judicieux d’évaluer un cabinet libéral ou une pharmacie en suivant une méthodologie inspirée de l’évaluation d’entreprise.

La notion de « fonds libéral », instituée par la Cour de Cassation simplifie juridiquement la cession des cabinets libéraux - désormais proche de la cession d’un « fonds de commerce » de pharmacie.

Il y a deux grandes familles de méthodes d’évaluation :

  • les méthodes comparatives qui prétendent valoriser l’entreprise d’après des prix de marché,
  • les méthodes économiques qui visent à calculer une valeur fondée sur les résultats attendus.

Pour évaluer une activité libérale, ces deux approches sont théoriquement concevables et complémentaires.

La valeur patrimoniale ou comparative, encore appelée analogique

Lorsqu’il y a réellement des prix de marché, statistiquement crédibles, l’approche comparative est incontournable. Elle revient généralement à valoriser l’entreprise en pourcentage du chiffre d’affaires ou en multiple de sa rentabilité.

C’est une approche empirique, fondée sur l’offre et la demande puisque ce sont les prix constatés sur le marché des transactions qui font référence. En appliquant ces coefficients à la cible à évaluer, on détermine la valeur de ses actifs incorporels (principalement la clientèle, mais aussi éventuellement le droit au bail…) et de ses actifs corporels (les équipements), nécessaires à son activité.

L’usage fixe ainsi des fourchettes de valorisation très variables, par exemple, de :

  • 70 % à 100 % du chiffre d’affaires HT chez les experts-comptables,
  • 100 % à 300 % chez les biologistes,
  • 30 % à 60 % chez les radiologues.

Ce sont les diagnostics décrits ci-dessus qui permettent de positionner l’entreprise libérale sur son secteur d’activité, en fonction de ses points forts et de ses points faibles.

Quant à l’immobilier, il doit toujours être valorisé à part, même lorsqu’il figure à l’actif du cabinet.

La valeur financière ou valeur de rentabilité, encore appelée intrinsèque

La seconde approche, qui consiste à capitaliser les bénéfices pour établir une « valeur de rentabilité », peut à la fois rendre compte de disparités dans les conditions d’exercice, et pallier le manque de références de marché.

Comment connaître le taux de rendement attendu par un investisseur dans une entreprise libérale ?

Il n’existe pas de réponses modélisées comme pour d’autres secteurs économiques et, selon le taux retenu, les écarts de valorisation sont considérables.

En revanche, les banques qui s’intéressent aux professions libérales leur proposent des taux et des durées de crédit très proches : dès lors la capacité d’endettement théorique d’un acquéreur aux conditions du marché peut très bien servir de référentiel.

Aussi, pour évaluer un cabinet libéral, la méthode qui nous semble la plus probante consiste à déterminer la valeur qui ménagerait à un acquéreur la capacité de rembourser son emprunt d’acquisition, tout en lui permettant de conserver un revenu en adéquation avec sa profession et spécialisation. 

Mais préalablement, la rentabilité intrinsèque du cabinet doit être calculée. Une fois encore, ce sont les diagnostics qui permettent de mettre en avant : 

  • les éléments relatifs à la gestion du cédant, c’est-à-dire la rémunération des dirigeants, mais aussi des frais généraux propres au gérant, et donc indépendants des besoins liés à l’exploitation du cabinet
  • la sur rémunération d’un conjoint ou d’un membre de la famille
  • un loyer hors marché à une SCI captive
  • les charges et les produits exceptionnels et non récurrents
  • les incidences des modes de financement des actifs (emprunt bancaire ou crédit-bail)
  • les éventuels investissements de modernisation nécessaire au maintien de l’activité …

Le flux disponible doit pouvoir couvrir :

  • la charge fiscale,
  • la charge annuelle du renouvellement des équipements,
  • le coût du financement du besoin en fonds de roulement,
  • la rémunération du travail de l’acquéreur, par équivalence avec le salaire brut usuel d’un salarié disposant du même diplôme et de la même expérience professionnelle,
  • la charge de remboursement d’un emprunt couvrant 100 % de la valeur ; peu importe que l’acquéreur puisse se dispenser, totalement ou partiellement, de recourir au crédit : les capitaux propres qu’il est susceptible d’investir méritent eux aussi d’être rémunérés, comme ceux de la banque.

Différencier la valeur du fonds libéral et le prix des parts

Les méthodes d’évaluation permettent d’approcher la valeur du fonds libéral, c’est-à-dire les immobilisations incorporelles et corporelles nécessaires à l’activité.

Dans le cadre d’une cession de titres de société, le prix des parts doit tenir compte des autres éléments du bilan : BFR, trésorerie et endettement de la structure cible.

Ainsi, même si la valeur du fonds libéral négociée au démarrage de la transaction reste stable, le prix des titres de la société est amené à varier au cours du temps en fonction de l’évolution des postes du bilan. La mise à jour du prix au moment de la transaction nous paraît indispensable.

En conclusion

Toute réflexion sur la valeur patrimoniale et la transmission du cabinet libéral se heurte au mécanisme rudimentaire de l'offre et de la demande, qui conduit selon la profession libérale et la région :

  • soit à des achats précipités, sans étude qualitative, parce qu'il y a trop de candidats acquéreurs,
  • soit à l'impossibilité de trouver des successeurs ou des associés à prix raisonnables, les jeunes préférant créer leur cabinet libéral, malgré le poids des frais généraux fixes (loyer, personnel, assurances...) qui supposent dès l'installation un niveau élevé de chiffre d'affaires.

Lorsque ces « marchés » fonctionnent mal, c'est souvent en raison du manque de références financières objectives, permettant d'éclairer les négociations entre acheteurs et vendeurs.

INTERFIMO publie régulièrement des études statistiques sur les prix des cabinets qui peuvent relever d’une approche comparative et s’est doté d’un pôle Évaluation afin d’apporter à ses clients professions libérales en phase de cession, une base solide de négociation.

 

Vous souhaitez prendre contact avec notre pole Évaluation ?

 

Blandine Pisaneschi

Responsable du Pôle Evaluation

blandine.pisaneschi@interfimo.fr

01 44 18 17 13

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