Conduire son projet d’installation et convaincre son banquier
Vous êtes fraichement diplômé ?
Collaborateur d’un cabinet depuis quelques années ?
Vous avez fait une première carrière professionnelle en tant que juriste d’entreprise ou cadre dans l’industrie pharmaceutique ?
Quel que soit le stade de votre cursus professionnel, votre installation en libéral répond à la même démarche entrepreneuriale et les conditions de la réussite de votre projet varieront peu.
Ce qui a changé en revanche, c’est le contexte, la mutation profonde du monde libéral qui s’accélère depuis les années 2000 et qui demande au professionnel libéral - plus que jamais - d’anticiper, s’adapter, voire se réinventer.
Les scénarios d’installation et les outils juridiques pour les mettre en œuvre se multiplient, les champs d’activité se diversifient, offrant des opportunités nouvelles au candidat à l’installation.
La réussite d’une permière installation réside plus que jamais dans sa préparation et suppose de prendre le temps nécessaire à la réflexion, à l’analyse préalable de son projet et à la mise en place d’une méthodologie rigoureuse pour son lancement.
Phase pré-installation
Typologie d’installation et adéquation « homme-projet »
Pour certains, l’installation libérale répond à une véritable vocation. Pour d’autres, elle semble s’inviter naturellement dans son parcours professionnel : intégration en tant qu’associé dans le cabinet où il exerce en tant que collaborateur salarié depuis plusieurs années, reprise d’un cabinet ou d’une officine de pharmacie dans le cercle familial...
Mais pour beaucoup de professionnels, s’installer relève d’un choix mûrement réfléchi… ou qui devrait l’être.
Trois types de scénarios d’installation s’offrent au professionnel libéral :
- La création d’un cabinet,
- La reprise d’un cabinet
- L’intégration d’une association existante ou créée pour l’occasion.
En pharmacie, en biologie médicale ou en radiologie, le phénomène de concentration observé depuis quelques années est une tendance de fond et les créations n’existent pratiquement plus.
Plus généralement, on constate que la concurrence et les aléas attachés à la création incitent souvent à s’orienter vers la solution de reprise d’un cabinet existant, assurant en principe un volume d’activité suffisant pour couvrir ses frais généraux et son train de vie dès le démarrage.
L’exercice en association est une autre tendance de fond ; elle est incontournable pour toutes les professions nécessitant des investissements importants, mais elle correspond aussi à une attente forte des clients et des professionnels libéraux eux-mêmes.
L’association, dans un passé encore récent, consistait la plupart du temps en un schéma assez simple : le regroupement d’un petit nombre de professionnels au sein d’un même cabinet. On distinguait alors 2 grandes types de structures :
- Les structures de moyens, SCM principalement,
- Les structures d’exercice : SCP, SNC pour les pharmaciens, SELARL...
Pour en savoir plus :
- Le Guide de l’installation libérale de l’UNAPL
- Le recueil d’informations AMELI pour les professionnels de santé (textes conventionnels, modalités d’installation..)
Si ces schémas « traditionnels » perdurent aujourd’hui, l’association prend désormais des configurations très diverses et souvent plus complexes. Voici quelques exemples en guise d’illustration de cette pluralité de modes d’exercice :
- un cabinet de radiologie regroupant près de 30 praticiens libéraux et partageant un IRM avec l’hôpital dans le cadre d’une coopération public/privé,
- un cabinet d’expertise-comptable régionale qui compte 35 associés répartis sur 15 sites,
- une maison de santé réunissant des médecins, des praticiens paramédicaux et une pharmacie,
- une pharmacie financée grâce aux capitaux d’investisseurs extérieurs (mais néanmoins pharmaciens).
Et demain, pourront voir le jour des Sociétés Pluri-professionnelles d’Exercice (SPE) réunissant avocats, notaires, experts-comptables, administrateurs de justice… et dont le capital pourra être majoritairement détenu par des professionnels libéraux n’exerçant pas seulement en France mais dans toute l’Union Européenne ou la Suisse.
Réfléchir à la manière dont on envisage l’exercice de sa profession implique de réfléchir aussi sur soi-même afin de s’orienter vers un projet professionnel cohérent avec ses aspirations, ses atouts et ses contraintes.
Au-delà des compétences techniques, supposées acquises, le professionnel libéral doit procéder à une « introspection » pour définir un projet qui soit en adéquation avec :
- sa personnalité : capacité d’adaptation, résistance au stress, goût du risque...,
- son expérience et son savoir-faire,
- son aptitude à animer et diriger, son leadership,
- son équilibre personnel et familial : disponibilité, santé, adhésion de la famille...
On comprend bien que s’associer avec un confrère dans un petit cabinet de bourg semi-rural ou s’associer dans un cabinet de 20 ou 30 libéraux dans une grande métropole impliquent des conditions d’exercice, des aptitudes individuelles et des contraintes fondamentalement différentes.
Réfléchir à ces problématiques le plus en amont possible sera un gage de réussite professionnelle et d’épanouissement personnel.
Pour en savoir plus : Votre carrière / Regrouper, essaimer, interprofessionnaliser
Phase d'évaluation du projet d'installation
Etude de marché
Une des clés de la réussite est de connaître son marché et de valider un environnement démographique, socio-économique et concurrentiel qui soit favorable à l’implantation projetée.
En matière de création, une étude de marché approfondie de la « zone de chalandise » sera nécessaire pour estimer le potentiel d’activité à moyen terme et, à plus court terme, le niveau d’honoraires ou de chiffre d’affaires qui permettra d’atteindre le point mort dans un délai raisonnable.
Même dans l‘hypothèse de reprise d’un cabinet existant ou d’intégration d’un groupe, une étude de marché s’avère souvent nécessaire pour évaluer le risque d’exploitation à moyen terme ; elle sera d’ailleurs souvent exigée par les banques qui seront consultées.
Grâce à internet, de très nombreuses informations sont accessibles et contribueront à apprécier la pertinence du lieu d’implantation choisi.
L’analyse du macro-environnement :
- les données démographiques et socio-économiques : structure et évolution de la population, catégories socio-professionnelles, emploi, logement, tourisme, entreprises…,
- l’environnement économique : bassins d’activité, liaisons routières, pôles d’attraction, structures sanitaires et sociales, tribunaux, implantations administratives…,
- l’évolution du cadre réglementaire, les innovations technologiques, l’évolution des comportements…
La demande : croissance historique du marché, potentiel de développement, facturation moyenne, saisonnalité, prescripteurs…
La concurrence : implantation des concurrents directs, réseaux régionaux ou nationaux, menace de nouveaux entrants ou d’internet, offre et positionnement…
Dans le cas de la pharmacie d’officine, s’agissant d’une activité de commerce de détail, une étude approfondie de la zone de chalandise est indispensable : environnement commercial et médical, emplacement de la concurrence, possibilités de stationnement, proximité d’établissements scolaires ou administratifs, de transports collectifs…
Pour en savoir plus :
- Les données d’une étude de marché pour un professionnel de santé
- L'outil d'aide au diagnostic d'implantation local de l'INSEE
Le monde libéral bouge et l’exercice de certaines professions a déjà profondément évolué. Dans les années à venir, les progrès techniques, l’avènement de la digitalisation, les tendances démographiques (la désertification médicale est déjà une réalité dans certaines régions et le phénomène va s’accélérer avec les départs en retraite de la génération des années 50) ou l’évolution de la réglementation impacteront l’ensemble des professions libérales.
Ces incertitudes sont autant de facteurs de risque que sources d’opportunités dans le marché de demain.
Audit qualitatif
Après l’analyse de son marché et son environnement, l’opportunité de reprise d’un cabinet ou d’intégration d’un groupe suppose d’apprécier les caractéristiques de la cible d’un point de vue qualitatif. Cette approche est un préalable nécessaire à l’interprétation des éléments financiers qui seront eux aussi audités, ainsi qu’à l’évaluation du cabinet ou de la part d’association.
L’audit qualitatif est souvent négligé. Il est par définition difficile à appréhender car il revient à porter un diagnostic sur des éléments qui ne sont pas toujours aisés à recueillir ou qui ne sont pas mesurables. Sur les aspects juridiques, l’appréciation d’un contrat ou de la situation d’un salarié par exemple peuvent nécessiter l’avis d’un homme de l’art, avocat ou expert-comptable.
Les éléments du cabinet à auditer seront définis cas par cas, mais on retrouvera généralement les mêmes familles :
- qualité de la clientèle : diversité, poids des plus gros clients, récurrence des prestations…,
- qualité des équipements et des aménagements, qui aura une conséquence directe sur le plan de financement si des investissements sont à prévoir,
- qualité du personnel : qualification, ancienneté, impact sur la clientèle…,
- qualité de l’organisation : informatisation, tenue des dossiers, gestion du back office…,
- qualité de l’environnement juridique : conditions du bail, contrats d’exercice, statuts et pacte d’associés en société…
L’audit financier et l’évaluation
L’analyse financière du cabinet ou de la société d’exercice demandera souvent l’intervention d’un conseil extérieur, généralement un expert-comptable, afin de « décoder » les différents documents comptables à disposition du repreneur et, le cas échéant, les éléments « extra-comptables » nécessaires au bon diagnostic.
La principale difficulté pratique consistera à identifier les retraitements à effectuer aux fins de reconstituer la rentabilité intrinsèque du cabinet ou de l’entreprise libérale :
- déduction des charges propres au cédant telles que voiture de fonction, cotisations retraite Madelin…,
- retraitement des investissements financés en leasing ou location,
- réintégration d’un salaire normatif correspondant au conjoint collaborateur non rémunéré à remplacer,
- correction du loyer par rapport à la valeur locative de marché lorsque le cédant est propriétaire des murs,
- etc...
Dans le cas de la pharmacie en particulier, il conviendra parfois de retirer ou pondérer une part du chiffre d’affaires lorsque sa pérennité ne paraît pas acquise : fourniture d’un Etablissement d’Hospitalisation de Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), produits chers, rétrocessions…
Le diagnostic – interne et externe – d’une part et les retraitements comptables d’autre part sont les 2 étapes préalables à l’évaluation d’un cabinet ou d’une pharmacie, quelle que soit la méthode qui sera retenue.
Pour valoriser un fonds libéral ou un fonds de commerce de pharmacie, l’usage le plus courant veut que l’on estime ses actifs par une approche comparative, à partir du chiffre d’affaires auquel on applique un « coefficient de marché ».
Les limites de cette approche sont connues :
- la valeur patrimoniale ainsi obtenue repose sur des données mal référencées et donc peu objectives ;
- elle n’intègre pas les critères de rentabilité du cabinet ou de l’officine ;
- et pour les professions soumises à la TVA, l’usage retient encore trop souvent un chiffre d’affaires TTC.
La valeur patrimoniale doit être confrontée à une seconde approche s’attachant à capitaliser les bénéfices, pour établir une valeur de rentabilité.
Dans le monde de l’entreprise, les méthodes d’évaluation économique sont nombreuses et variées : méthode du goodwill, des flux de cash-flow actualisés… Mais ces méthodes sont inopérantes pour un cabinet ou une pharmacie.
Une méthode à la fois simple et pragmatique consiste à se fonder sur « l’opportunité d’emprunt » : la valeur de rentabilité correspond alors au prix qu’un acquéreur serait en mesure de rembourser par un emprunt bancaire.
Rappelons que quelles que soient les méthodes retenues, la loi du marché s’impose, valeur et prix peuvent diverger par le jeu de l’offre et de la demande :
- une clientèle de médecin dans le centre de la France est parfois transmise gratuitement, faute de candidats repreneurs,
- a contrario, la rareté de l’emplacement exceptionnel d’une pharmacie ou la conquête de parts de marché en biologie médicale peuvent amener à des prix très supérieurs à la valeur économique.
Pour en savoir plus : Votre carrière / Evaluer pour acheter, s'associer, vendre
Les modalités de la cession et choix du mode d’exercice
Déterminer les modalités de la cession et choisir son mode d’exercice conditionne le statut fiscal et social du professionnel libéral. Cette réflexion doit donc entamée concomitamment à la réalisation du prévisionnel d’exploitation. D’ailleurs, c’est souvent grâce à la simulation de diverses hypothèses que se forgera le choix de la structure d’exercice la mieux adaptée au projet.
Lors de la reprise d’un cabinet ou d’une pharmacie, choisir la forme juridique de son exploitation est d’abord déterminé par ce que le professionnel libéral rachète : un fonds ou des titres de société ?
Il existe deux schémas d’acquisition :
- l’achat d’un fonds libéral, ou un fonds de commerce en pharmacie,
- l’achat de titres - parts sociales ou actions - de société.
C’est la différence entre le contenu - le fonds - et le contenant - la structure juridique -.
Le fonds libéral (ou le fonds de commerce) regroupe l’ensemble des actifs corporels et incorporels qui constituent le cabinet (ou la pharmacie) : la clientèle, le matériel et les aménagements, le bail, les contrats de travail…
Ce fonds peut être exploité :
- en entreprise individuelle : l’entreprise se confond avec le professionnel libéral.
- par le biais d’une société : l’entreprise libérale est une personne morale qui se distingue de son (ses) associé(s) ; c’est la société qui est propriétaire des actifs du cabinet (ou de la pharmacie).
Dans le 1er cas, le professionnel libéral rachète les actifs du cédant et a la possibilité de réaliser cet achat soit en entreprise individuelle comme son prédécesseur, soit par le biais d’une société d’exploitation constituée à cet effet.
Dans le 2ème cas, tout dépend de ce qui est cédé.
Si le cédant choisit de céder son activité, on revient au 1er cas du point de vue du repreneur.
Le cédant fera alors son affaire de dissoudre sa société ou de lui donner une nouvelle orientation.
Dans le cas contraire, le professionnel libéral rachètera les titres de la société cible. Il aura alors la possibilité de les racheter soit en direct soit par le biais d’une société holding.
Dans le cas de la création d’un cabinet, le professionnel aura également la pleine liberté de choisir son statut juridique.
Dans l’hypothèse de l’intégration d’un groupe, le schéma consistera le plus souvent à racheter une participation dans une société d’exercice déjà existante et se posera alors la question de l’opportunité de recourir ou non à une holding.
Le choix de la structure juridique
Le professionnel libéral indépendant est de plus en plus souvent incité à exercer son activité dans le cadre d’une société d’exploitation plutôt qu’en entreprise individuelle.
Ce choix d’’exercer en société s’impose dès lors qu’on est en présence de 2 professionnels ou plus qui choisissent l’exercice en commun de leur profession.
Dans tous les cas de figure se posera la problématique de choisir parmi les différentes formes juridiques possibles. Les critères de choix sont multiples et mériteraient d’être développés mais nous retiendrons ici que la fiscalité de l’entreprise et le statut fiscal et social du dirigeant sont généralement les critères déterminants.
Dans cette optique, les différentes structures juridiques peuvent être classées en 2 catégories :
- les sociétés soumises à l’Impôt sur les bénéfices des Sociétés (IS),
- les sociétés fiscalement transparentes dont les bénéfices sont répartis entre les associés et soumis l’Impôt sur le Revenu (IR) des personnes physiques.
Synthèse des différents modes d’exercice des professions libérales
Pour en savoir plus : Votre carrière / Choisir un statut
L’opportunité de la holding pour le rachat de titres
Dans le monde de l’entreprise, la holding est un outil juridique qui permet d’organiser un groupe de sociétés en abritant les participations sous une même structure.
Ce schéma d’organisation capitalistique est encore marginal dans le monde des entreprises libérales, en dehors d’exceptions notables dans quelques professions comme l’expertise-comptable, le droit des affaires, la biologie médicale et la radiologie.
Pour autant, les holdings se multiplient à grande vitesse depuis qu’ont été promulgués les décrets d’application des Sociétés de Participations Financières de Professions Libérales (SPFPL), à partir de 2013.
Outre l’organisation d’un groupe de Sociétés d'Exercice Libéral (SEL), ce succès tient d’abord à l’effet de levier financier que procure la SPFPL dans le cadre du rachat des titres d’une SEL. En effet, grâce à une fiscalité beaucoup plus avantageuse que celle d’un associé personne physique, la capacité de remboursement de la SPFPL se trouve démultipliée.
Plan de financement et prévisionnel d’exploitation
La phase d’audit et d’évaluation ont dû confirmer la pertinence de la cible… sinon inutile d’aller plus loin ! Le professionnel libéral doit maintenant s’assurer de la faisabilité financière de son projet d’installation. Cette étape cruciale, souvent réalisée avec l’appui d’un conseil ou d’un expert-comptable, consistera à établir :
- un budget et un plan de financement,
- un compte de résultats prévisionnels,
- et un plan de trésorerie le cas échéant.
Le plan de financement vise à définir l’enveloppe des besoins d’investissements du projet et les ressources nécessaires à leur financement.
Dans le cas d’une reprise d’un cabinet libéral ou d’une pharmacie, le premier poste d’investissement est en principe le fonds libéral (la clientèle) ou le fonds de commerce, auxquels vont s’ajouter des dépenses connexes :
- droits d’enregistrement et frais d’acquisition,
- besoin en fonds de roulement,
- parfois des travaux d’aménagement et des équipements, déterminés à partir de l’audit qualitatif effectué précédemment.
Dans cette démarche de définition des besoins, la principale difficulté ne sera pas tant de lister les différents postes de manière exhaustive que de chiffrer chacun d’eux.
En effet, s’il est relativement aisé de budgétiser un droit au bail ou un équipement informatique, d’autres postes sont plus difficiles à cerner :
- les travaux d’aménagement,
- le besoin en fonds de roulement et la trésorerie de fonctionnement nécessaire au cycle d’exploitation,
- en création, l’estimation du déficit de démarrage, qui correspond aux dépenses d’exploitation non couvertes par le chiffre d’affaires jusqu’à l’atteinte du point mort.
Dès lors que les investissements du projet sont chiffrés, le professionnel libéral pourra déterminer le montant du financement bancaire dont il a besoin, après déduction de son apport personnel.
L’apport personnel se situe généralement autour de 20% de l’enveloppe globale du projet. Dans le cas de la pharmacie, on constate aujourd’hui que les projets nécessitent un engagement du professionnel libéral plus conséquent, souvent autour de 30% de l’investissement.
Attention à bien faire la distinction entre un apport personnel « réel » et un prêt (non bancaire) qui aurait à être remboursé. Il peut s’agit d’un prêt familial dont le remboursement interviendra postérieurement à l’échéance du crédit bancaire ; dans toute autre hypothèse, il conviendra d’intégrer les modalités de remboursement dans son plan de financement.
Les caractéristiques du financement bancaire sont souvent « normalisées » :
- une durée usuelle, variable selon la nature du bien à financer (le plus souvent 7 ans pour les clientèles civiles et 12 ans pour les pharmacies),
- un taux de marché,
- et des modalités de remboursement standardisées.
Mais l’évolution des conditions d’exercice amène à de nombreux cas particuliers, où les réponses « normées » ne sont pas les plus pertinentes ; le partenaire banquier doit alors être en mesure de proposer des solutions originales et proposer une vraie valeur ajoutée en termes de conseil.
Le compte de résultat prévisionnel consiste à vérifier que la rentabilité du cabinet (ou de l’officine) permettra d’honorer – ou pas - le remboursement de l’emprunt déterminé précédemment par le plan de financement. Il est généralement établi pour les cinq premiers exercices d’exploitation du cabinet.
La rentabilité sera mesurée à partir de l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) qui correspond au chiffre d’affaires diminué des charges d’exploitation du cabinet (ou de l’officine) :
- achats de marchandises ou de matières premières,
- loyer, honoraires, fournitures…
- frais de personnel,
- impôts et taxes.
L’Excédent Brut d’Exploitation devra permettre au professionnel libéral, avec une marge de sécurité suffisante, de :
- rembourser ses emprunts,
- payer ses impôts,
- et assurer ses dépenses de train de vie.
Si le risque apparait trop important, le professionnel libéral pourra parfois ajuster les hypothèses de son projet : modifier son plan de financement pour en diminuer le coût ou au contraire revoir ses charges d’exploitation pour améliorer la rentabilité du cabinet.
Dans le cas de l’acquisition de titres de société et d’intégration d’un groupe, la problématique sera un peu différente et souvent plus complexe. En premier lieu d’un point de vue purement technique lié à la structure et au montage juridique, mais aussi du fait que toutes hypothèses d’évolution du compte d’exploitation seront conditionnées à un consensus entre le professionnel libéral et ses futurs associés.
Dans le cas d’une création, parfois aussi dans le cas d’une reprise, il peut être nécessaire d’adjoindre un plan de trésorerie prévisionnel. A la différence du compte de résultats qui est annualisé, le plan de trésorerie prévisionnel détaille les encaissements et décaissements mois par mois, généralement sur les deux premiers exercices du professionnel libéral. Il met en évidence les pics de trésorerie qui peuvent justifier d’adapter le plan de financement ou de le compléter, par exemple, par la mise en place d’une autorisation de découvert.
L’équilibre du plan de financement et du compte de résultats est l’aboutissement d’un long processus d’analyse du projet d’installation.
L’intervention d’un expert-comptable ou d’un conseil s’avère souvent incontournable pour la mener à bien et permet d’éviter bien des écueils.
En tout état de cause, le professionnel libéral veillera à appréhender cette démarche avec réalisme - mieux vaut parfois abandonner un projet et en trouver un autre – avant de prendre la décision qui lui incombe : « Go ou No Go » !
Pour en savoir plus : Votre carrière / S’installer
Phase de lancement
Le professionnel libéral a pris sa décision, il se lance dans son projet d’installation. Commence alors un long processus de démarches opérationnelles qui l’amènera devant son premier client ou patient, quelques semaines ou quelques mois plus tard.
Dès lors que le repreneur s’est entendu sur le prix et les modalités avec le cédant et/ou ses futurs associés, ils pourront ensemble s’en remettre à un avocat pour formaliser l’opération de cession/reprise, ou d’association, dans un contrat. Les protagonistes sont dès lors engagés juridiquement et les possibilités de se retirer sont désormais sous contraintes, en dehors, bien sûr, du cadre des conditions suspensives prévues dans le protocole.
Dans le cas d’une création, le professionnel libéral s’engagera généralement avec un bailleur pour disposer de son futur local professionnel ou commercial.
L’obtention d’un prêt bancaire constitue généralement la principale condition suspensive susceptible de remettre en cause l’opération. Il est rare en effet que le professionnel libéral n’ait pas à solliciter l’intervention d’un partenaire banquier pour boucler le financement de son projet.
C’est donc un enjeu majeur que de présenter un dossier solide pour convaincre un banquier de l’accompagner dans son projet.
Le "Plan d’affaires" ou, son anglicisme, le "Business plan"
Chaque business plan doit bien entendu être adapté au contexte particulier d’un projet. Mais les banquiers partagent, pour l’essentiel, une méthodologie d’analyse et des critères de décision communs et la structure d’un "bon" business plan est donc assez normalisée.
Pour le professionnel libéral, il s’agit de formaliser dans un document les informations rassemblées lors de la phase d’analyse du projet, selon un canevas qui corresponde à l’attente des banquiers susceptibles de l’accompagner.
A travers ce document, il devra prouver le sérieux de son projet grâce à une analyse rigoureuse de l’entreprise et son environnement, une stratégie claire et la démonstration de sa capacité à le mener à bien.
On y trouvera généralement les différents éléments décrits ci-après.
La page de couverture
Elle permet une identification précise du dossier, à laquelle le banquier pourra se référer sans avoir à chercher : nom de l’entreprise, numéro SIREN, nom du professionnel libéral, adresse, coordonnées, site internet… ainsi que le nom et les coordonnées de l’expert-comptable ou du conseil le cas échéant.
Une synthèse du projet (« executive summary »)
En une ou deux pages maximum qui permettent au lecteur d’appréhender le contexte général du professionnel libéral et de son projet, l’historique du cabinet ou de la pharmacie, ses objectifs, sa stratégie et ses besoins pour réaliser l’opération.
La présentation du (des) dirigeant(s) et de la structure le cas échéant
C'est souvent cette 1ère partie qui permet d’emporter l’adhésion du banquier : A qui je prête ? A-t-il les compétences, l’expérience, les aptitudes pour mener à bien son projet et me rembourser ? Puis-je avoir confiance en lui ?
Il y a les aspects formels : situation familiale, revenus du conjoint, patrimoine…
Mais le professionnel libéral doit surtout mettre en avant son parcours, ses compétences, ses réussites (… et parfois ses échecs : mieux vaut anticiper plutôt que courir le risque que le banquier ne les découvre ultérieurement), ses aptitudes managériales, son réseau relationnel.
En cas d’association, il convient d’expliciter l’organisation de l’entreprise et la répartition des tâches entre les associés.
Pour les activités très intuitu personae ou les cabinets de taille importante, les modalités de la transmission et l’accompagnement éventuel du cédant peuvent être des facteurs déterminants dans l’analyse du risque par le banquier.
Le cabinet, ou la pharmacie
Ce chapitre vise en premier lieu à synthétiser l’étude de marché et l’audit qualitatif réalisés dans la phase d’évaluation du projet, aux fins de « vendre » les atouts du cabinet – ou de la pharmacie - au banquier.
Mettre en avant les opportunités de développement et les points forts du cabinet est la partie la plus facile. Mais l’audit aura généralement mis en évidence des points de faiblesse : dynamisme de la concurrence, risque d’évasion de la clientèle, poids relatif d’un gros client…
L'erreur à ne pas commettre est de tenter de les occulter. Le banquier attend au contraire que le professionnel libéral ait identifié les points faibles et les ait anticipés dans sa stratégie et dans les hypothèses financières retenues.
Le second objectif de ce chapitre vise à expliquer la stratégie du professionnel libéral : Quel positionnement ? Quels objectifs ? Quel plan d’action pour y parvenir ? Le professionnel doit exprimer sa vision avec clarté et conviction, de sorte que le banquier comprenne et apprécie l’affaire qu’il finance, ce que veut en faire le professionnel et avec quels moyens mis en œuvre pour y parvenir.
Les projections financières
Comme le précédent, ce chapitre a pour objet de présenter les éléments financiers qui ont été appréhendés dans la phase d’étude du projet : le plan de financement, le compte de résultats prévisionnels et (parfois) le plan de trésorerie.
A ce stade, le banquier s’est souvent déjà fait une opinion, car si les qualités du professionnel libéral et la pertinence de son projet l’on convaincu, les chiffres ne viennent que confirmer la faisabilité du dossier.
Mais les éléments financiers n’en sont pas moins déterminants : le prix de vente est-il cohérent avec le marché ? Le professionnel libéral s’engage-t-il personnellement ? Son apport personnel est-il suffisant ? Les hypothèses de croissance de l’activité sont-elles réalistes ? La rentabilité attendue permet-elle de rembourser l’emprunt sollicité avec une marge de sécurité suffisante ? Le revenu du professionnel est-il compatible avec son train de vie ? …
Autant de questions que tout banquier ne manquera pas de se poser. Pour y répondre, les tableaux de chiffres ne suffisent pas toujours et le professionnel libéral devra s’attacher à expliciter chaque poste de dépenses, justifier ses hypothèses et veiller à la cohérence des données financières avec les données de marché et la stratégie avancées dans le chapitre précédent.
Un business plan bien construit rendra compte des motivations du professionnel libéral, du diagnostic de l’entreprise, de sa stratégie et de sa traduction financière ; il sera le gage d’un projet d’installation mûri, construit et réaliste, permettant au banquier d’en apprécier le risque en toute objectivité… et d’y donner une suite favorable.
La recherche du financement
Son business plan sous le bras, ne reste plus au professionnel libéral qu’aller à la rencontre des banquiers et leur vendre son projet d’installation. Mais qui aller voir ?
La plupart des réseaux bancaires interviennent auprès des professions libérales. Pour autant, il ne s’agit pas d’aller voir toutes les banques de la place. Il est sain d’en rencontrer au moins 2 pour confronter son projet à des expertises différentes et faire jouer la concurrence mais il est rarement efficient d’aller au-delà de 4 ou 5 intervenants sélectionnés.
Proposer son projet à son banquier en tant que particulier est une démarche naturelle : il vous connaît, vous avez, a priori, sa confiance et il voudra vous conserver comme client.
Recontrer le banquier du cédant a également sa logique : il connait le cabinet (ou la pharmacie) et sera logiquement motivé à ne pas le (la) perdre.
Le LCL et sa filiale INTERFIMO proposent une présence tout le territoire grâce à leur réseau d’agences et une approche originale puisque l’activité d’INTERFIMO est exclusivement dédiée au financement des professions libérales ; le professionnel libéral est donc assuré d’y rencontrer des interlocuteurs qui connaissent parfaitement les problématiques de son projet d’installation.
Pour les autres banques, il convient de se renseigner localement, car tous les réseaux ne sont pas présents ou actifs sur tout le territoire ; en particulier les banques mutualistes qui peuvent avoir une position dominante dans certaines régions et au contraire être absentes ou peu représentées dans d’autres régions.
Rendez-vous pris, le professionnel libéral se présentera sous son meilleur aspect et disposera d’une à deux heures pour présenter son business plan et convaincre.
Pour en savoir plus : Comment convaincre son banquier
En annexe du business plan, il lui sera demandé de nombreuses pièces justificatives, variables selon la nature du projet : compromis de cession, liasses fiscales, bail, statuts en cas d’exercice en société, bulletins de salaire, avis d’imposition… Qu’il soit le plus diligent possible s’il veut une réponse rapide !
Les délais de réponse sont très variables selon la nature du projet et le montant de l’emprunt demandé, de quelques jours à quelques semaines pour les dossiers les plus complexes. Pendant ce laps de temps, les échanges peuvent se poursuivre pour éclaircir un point particulier, parfois pour ajuster le plan de financement ou optimiser le montage initialement prévu.
Les caractéristiques de l’accord de prêt doivent être regardées attentivement :
- les caractéristiques du crédit : taux, durée et modalités de remboursement,
- les garanties demandées,
- la couverture assurance,
- les conditions en cas de remboursement anticipé.
Le choix de son partenaire sera aussi influencé par la qualité du conseil et de l’accompagnement dans le projet. Cette notion de service est d’autant plus déterminante que les conditions financières des différents établissements sont souvent très proches.
Maintenant qu’il a obtenu un accord de prêt en bonne et due forme, le professionnel libéral est virtuellement installé. Encore un peu de patience, quelques démarches administratives, et il ouvrira la porte à son premier client.