Visions d’experts sur les enjeux clés des professions libérales

Retour sur le 31ème congrès de l’UNAPL
Comme chaque année, OnLib’Infos s’est rendu au congrès annuel de l’UNAPL qui s’est tenu à Paris le 8 décembre 2023, au Palais d’Iéna, siège du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et marquait le dernier congrès pour Michel Picon en tant que président.
Voici un premier retour sur les échanges riches et projectifs d’une journée tournée vers l’avenir et l’innovation, autour du potentiel de l’intelligence artificielle, des tendances émergentes de l’entreprenariat libéral et de l’importance du dialogue social.

Faut-il avoir peur de l’IA ?

En 2023 les professions libérales ont poursuivi leurs mutations dans un contexte économique et géopolitique difficile. Dans son ouverture, Michel Picon a tenu à rappeler combien L’UNAPL avait à cœur d’épauler les professionnels libéraux à chaque étape de leur activité et dans toutes leurs transformations, notamment numériques. L’intelligence artificielle « aussi prometteuse que risquée, doit être explorée dans son potentiel et ses implications dans les pratiques des professionnels libéraux ».
Alors, faut-il avoir peur de l’IA ?

Il faut monter dans le TGV ! ...

Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et auteur de « La guerre des intelligences », a livré un témoignage très vivant sur l’impressionnante « cavalcade technologique » avec une intelligence artificielle contrôlée par un très petit nombre d’acteurs, pas toujours d’accord sur les scenarios d’avenir. Certains pensent qu’elle deviendra hostile, d’autres qu’elle sera toujours maitrisée. 20 % des experts considère que l’IA ne dépassere jamais l’homme alors que pour d’autres comme Sam Altman, fondateur d’OpenAI, il ne fait pas de doute qu’elle sera des milliers de fois supérieure à l’intelligence humaine d’ici à 2030. Quoi qu’il en soit, les métiers, quel que soit le secteur concerné, sont challengés à grande vitesse et vont être profondément impactés. Laurent Alexandre s’amuse avec des formules chocs pour décrire une histoire technologique qui s’est accélérée, sans régulation (« un grand bordel économique, politique et social ») et des professionnels libéraux qui doivent « monter dans le TGV de ce monde rempli de testostérone, de violence et de pognon » !

...et sortir du brouillard numérique par la connaissance...

Pour Laurent Alexandre, l'intégration généralisée de l’IA entraine une révolution civilisationnelle et anthropologique qui présente des risques mais aussi d'immenses opportunités pour les professionnels libéraux qui seront « du bon côté de la rivière, là où le neurone reste supérieur à l’intelligence artificielle ». La maîtrise de la technologie est donc une donnée essentielle pour rester compétitif et arriver à « sortir du brouillard ». « Dans un monde d’hypercroissance, d’hyperscience et d’hypertechnologie dans lequel les libéraux ont toute leur place, il faut évoluer avec l’IA, organiser la symbiose et aider à la compréhension de cette évolution ».

Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Laurent Alexandre : UNAPL TV

Quelles tendances pour l’entrepreneuriat libéral ?

Michel Chassang, vice-président du CESE, l’a rappelé, en ouverture de ce 31è congrès : outre leur métier, les professionnels libéraux sont également des chefs d’entreprise, et majoritairement d’entreprises de petite taille qui permettent « de conjuguer avec proximité, aménagement du territoire et cohésion sociale ».

Comment ces entreprises vont-elles évoluer et quelles sont les opportunités qui s’ouvrent à elles, dans un monde en constante évolution ?

« Nous sommes à un croisement de l’humanité » ...

Philippe Dessertine, économiste et universitaire renommé, a débuté ainsi son intervention : « Nous sommes à un croisement de l’humanité, un changement d’époque inédit, avec une convergence de plusieurs bouleversements profonds qui interviennent tous en même temps ». L’économiste observe trois changements cruciaux. En premier lieu, la fin de la domination occidentale sur le monde au profit de l’Asie, première zone de production. En second lieu, le bouleversement de modèle économique que nous impose le dérèglement climatique. « La création du nouveau modèle doit proposer une croissance nouvelle (et durable) d’un point de vue universel. Il ne s’agit pas d’une amélioration cosmétique du modèle d’avant. Nous devons inventer un modèle radicalement différent qui permette à tous les humains d’espérer de la croissance (#de consommation) aux pays qui n’ont pas la même espérance de vie que nous ». En troisième lieu, nous sommes rentrés dans l’ère d’une humanité vieillissante à l’échelle mondiale, « il faut miser sur un autre modèle économique car nous n’avons plus les mêmes humains en face de nous ».

L’approche horizontale, avenir des professions libérales

Cette transformation profonde que nous vivons aujourd'hui exige donc un changement radical dans notre manière d'aborder les choses. Philippe Dessertine nous éclaire sur cette transition : « Nous sortons de la société industrielle. Nous quittons le modèle ancien, un monde vertical où tout le monde se rassemble, pour rentrer dans un monde de connexion, horizontal et décentralisé. L’approche horizontale est l’avenir de vos professions ». Dans cette logique de rupture, l’économiste explique que la grande structure pyramidale ne peut survivre. Les petites structures, intrinsèquement plus agiles, deviennent ainsi le modèle de référence car elles sont en mesure de prendre des risques, un atout crucial dans une ère où l'innovation s'accélère et où les grandes structures se trouvent souvent incapables de s'adapter et d'innover.
De même, la valeur de ce que nous produisons va être profondément bouleversée d’un point de vue économique avec une irruption des valeurs extra-financières qui prennent le pas sur les valeurs financières. La data versus la monnaie.

Retrouvez l’intégralité de l’intervention de Philippe Dessertine : UNAPL TV

Renforcer le dialogue social : quels défis et perspectives ?

À propos du dialogue social, objet de la table ronde de l’après-midi et « sujet central, essentiel et cher à l’UNAPL », Michel Picon a notamment souligné le succès de la signature, le 17 juillet dernier, du nouvel avenant à l’accord interprofessionnel sur les modalités de fonctionnement des commissions paritaires régionales « qui offrent aux TPE libérales un espace de dialogue social sur les sujets transversaux : emploi, formation, conditions de travail, santé au travail ».

Experts et partenaires sociaux ont échangé leurs expériences et perspectives sur les enjeux du dialogue social.
Notamment sur :

• l’éternelle recherche d’équilibre entre la loi et le contrat et la question du cadre donné par les pouvoirs publics ;
• les opportunités du partage de la valeur dans les TPE ;
• les atouts politiques, économiques et sociaux des négociations collectives qui permettent aux entreprises de grandir progressivement.

Chacun s’accorde sur un bilan plutôt positif de l’évolution du dialogue social et de son impact sur la conduite des réformes sociales. Publié le matin même, le bilan annuel de la négociation collective pour 2022, confirme sa forte dynamique, amplifiée en 2022 avec 6 accords interprofessionnels et 1 495 accords de branche  (+ de 40 % par rapport à 2021). Une hausse qui s’explique notamment par grande vitalité de la négociation salariale de branche (près de 700 en 2022), ainsi que des accords d’égalité professionnelle (+ 30 % en 2022).

Retrouvez ici les échanges de la Table ronde sur le dialogue social : UNAPL TV
avec Marie-Françoise Manière, secrétaire générale de l’UNAPL, Pierre Burban, secrétaire général de l’U2P, Antoine Foucher, président du cabinet Quintet, Pierre Ramain, directeur général du Travail et Bernard Vivier, directeur de l’Institut Supérieur du Travail (IST)