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Révolution IA : quels changements, aujourd’hui, pour les professionnels libéraux ?

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Révolution IA : quels changements, aujourd’hui, pour les professionnels libéraux ?
Révolution IA : quels changements, aujourd’hui, pour les professionnels libéraux ?

Pour la troisième année consécutive, la rédaction d’OnLib’Infos profite du mois d’août pour réunir le point de vue des professionnels libéraux ayant contribué aux différents numéros de notre newsletter depuis sa création en 2021.

La question posée était la suivante : « Quel changement majeur vous a apporté l’intelligence artificielle dans votre quotidien professionnel ? ».

Médecins, avocats, notaires, vétérinaires, experts-comptables : les réponses des différents professionnels apportent un témoignage concret de l’intégration de l’IA dans les différentes pratiques quotidiennes et sont également l’occasion de partager les innovations utilisées avec succès. 

Le monde change et les professions libérales aussi ! Merci à tous ceux qui nous ont répondu pour permettre cette vision transversale de la révolution IA, qui modifie progressivement le quotidien des professionnels libéraux et dont le champ des possibles s’annonce immense.

Révolution 
N. fém. - Changement très important dans la société, dans l'histoire.

Le Robert, Dico en ligne

Parler de révolution n’est pas un trop grand mot pour qualifier les bouleversements engendrés par l’intelligence artificielle dans nos vies. Mais qu’en est-il concrètement dans le quotidien des pratiques professionnelles ? En offrant des outils puissants, l’IA bouscule les habitudes obligeant les professionnels à s’adapter. Vite, et souvent pour le meilleur.

Efficacité et gain de temps, un atout acquis pour les praticiens

C’est désormais une évidence, chacun s’accorde pour constater la puissance de l’IA comme outil de simplification et d’automatisation de tâches récurrentes, avec, en conséquence, une meilleure organisation interne et une productivité accrue. 

Simplification des tâches

Pour certaines professions, le changement s’est avéré immense, ainsi que l’exprime Christophe Priem, expert-comptable : « L'intelligence artificielle a révolutionné mon métier d'expert-comptable en automatisant les tâches répétitives comme, par exemple, la saisie de données et la réconciliation bancaire, ce qui réduit les erreurs et améliore la précision des états financiers mais surtout, permet de libérer du temps aux collaborateurs qui peuvent en contrepartie se concentrer sur des missions à plus forte valeur pour le client ». Laura Mancini, avocate, savoure, elle aussi le gain de temps apporté par l’intelligence artificielle « sur certaines tâches répétitives ou sans valeur ajoutée. C'est dans cette optique que je l'utilise, je prépare des slides de formation, certains emails, des comptes-rendus, etc. ». Pour Ludovic Blanc, avocat et fondateur de Obbo Avocats, le plus grand changement réside en effet dans la simplification des tâches quotidiennes récurrentes. « L’IA a cette puissance folle de pouvoir synthétiser des tonnes d’informations en un temps record et de rechercher des informations précises. Nous avons un usage quotidien du logiciel Copilot qui est intégré à tous les outils de la suite Office. Il propose des questions, un suivi des tâches, nous pouvons l’interroger sur l’avancée de tel ou tel dossier et nous obtenons des chronologies d’échanges sur plusieurs années parfois avec l’ensemble des interlocuteurs. Cela nous force, à notre stade de développement, à être rigoureux dans l’organisation centralisée de notre archivage numérique des dossiers. C’est extrêmement précieux pour l’ensemble des membres du Cabinet ». Philippe Touzet, également avocat, décrit l’implantation imminente d'un nouvel outil d’intelligence artificielle au sein de son cabinet, Clerk.AI, conçu par une start-up française fondée par un doctorant en droit public : « cet outil révolutionnaire va nous permettre de faire rentrer l'intelligence artificielle dans nos pratiques quotidiennes, d'améliorer la qualité de nos recherches juridiques, l'utilisation de notre savoir-faire car le produit va indexer systématiquement l'intégralité de nos documents antérieurs et nous faire gagner du temps sur toute une série de tâches, comme la rédaction de mails, d'actes et d'écritures judiciaires ». 

Gestion et digestion rapide des données

Ce constat d’efficacité est partagé par François Blanchecotte, biologiste, président du Syndicat des biologistes (SDBIO) et vice-président des libéraux de santé (LDS) : « Le quotidien d'un biologiste est d’agréger des données biologiques sur le patient, de ce fait, il doit pouvoir formuler dans son métier des synthèses, des avis, ou automatiser certaines tâches répétitives. Que ce soit pour rechercher un réactif, un process, ou pour étudier des cellules du sang, aussi bien pour que gérer l'administratif RH de son laboratoire, nous utilisons aujourd'hui des systèmes protégés et fermés d'IA générative qui respectent la confidentialité des données des patients ». Selon Mathieu Stenger, expert-comptable et directeur général du cabinet COGEP, « le début d’une nouvelle ère de la donnée s’ouvre avec les entrepôts de données, plaçant l’importance de la donnée plus que jamais au cœur de notre métier. Cela permet à COGEP de renforcer sa capacité à innover et à offrir des solutions toujours plus personnalisées et pertinentes à ses clients. L'IA ouvre de nouvelles voies, enrichissant notre pratique professionnelle et notre approche conseil ». Ludovic Blanc, avocat et fondateur de Obbo Avocats, a, quant à lui, créé sa propre solution IA, Obbot : « J’ai nourri ce robot avec toutes les données utiles sur une convention collective dont j’assure le suivi de négociations et du dialogue social. Obbot a digéré environ 2 millions de mots, soit plus de 400 textes. Mes clients peuvent ainsi obtenir des réponses rapides aux questions simples qu’ils se posent avec une garantie d’exhaustivité de la matière ».

Moins d’administratif = plus de conseil

Les outils d’intelligence artificielle changent parfois tout pour le quotidien de professionnels qui, en plus de leur domaine d’expertise, doivent gérer leur entreprise. « Cette double casquette implique en effet de jongler entre des actes qui sont en lien avec la santé des animaux, mais aussi avec des tâches de gestion plus ou moins complexes », expliquent Rémi Gellé et Guerric Radière, vétérinaires. « Tout cela demande beaucoup de rigueur et d’exigence. En jouant le rôle d’assistant des ressources humaines pour définir des plannings, proposer des trames d’entretien ou d’assistant comptable pour vérifier des prévisions budgétaires, l’IA constitue une aide précieuse et allège notre quotidien ». Ce constat est largement partagé par une autre vétérinaire, Chantal Legrand : « Les chatbots et les assistants virtuels permettent de répondre aux questions des propriétaires d'animaux, libérant ainsi du temps pour les vétérinaires. Enfin, l'IA aide à la gestion des stocks et des rendez-vous, optimisant l’organisation de la clinique ». Pour Jauffrey d’Ortoli, expert-comptable et président du cabinet NEOTEC, « Il faut se préparer à cette transition de nos activités vers plus de conseil et moins d'administratif. L'arrivée de la facture électronique et la constante progression de l'IA vont surement amener un changement dans le fonctionnement des cabinets d'expertise-comptable ainsi que dans la manière d'exercer notre activité. La spécialisation sur un ou plusieurs secteurs d'activité fait, à mon sens, partie des changements à mettre en œuvre pour faire monter le niveau global de conseil proposé aux clients ».

Les médecins aspirent eux aussi à réduire leur temps administratif comme l’indique Franck Devulder, gastro-entérologue et président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF), qui s’apprête à adopter, d’ici la fin de l’année, un nouveau logiciel métier qui « rédigera seul, grâce à l’IA, un compte rendu de la consultation à partir des échanges entre le médecin et le patient. J’avoue attendre cette évolution avec une certaine impatience car elle améliorera le temps consacré au patient et réduira le temps administratif du médecin ».

Pour Bénédicte Bury, avocate et membre d’AVOCAP, indépendants ensemble, l’intégration de l’IA est « destinée à libérer progressivement le professionnel des aspects techniques du droit afin de lui permettre de développer sa valeur ajoutée personnelle et éthique dans la qualité de la relation avec son client et l’adéquation du conseil ». La praticienne nous présente un nouveau programme d’IA, lancé par le cabinet Avocap et développé en concertation avec d’anciens élèves de l’École Normale Supérieure : « DAD - Le Droit Au Droit permet d’identifier des populations très spécifiques (photographes, personnel médical, associations, etc.) et de diffuser auprès de ces populations des contrats d’assistance juridique dont le coût est inversement proportionnel au nombre de contrats souscrits, facilitant ainsi un meilleur accès au droit. Les consultations reçues sont adressées à un logiciel d’IA développé pour Avocap, puis validées par le confrère en charge, lequel, après vérification, appose la signature du cabinet. Le premier module, en phase test, porte sur les agents immobiliers et sera opérationnel dans le courant de l’été, les contrats étant diffusés dès la rentrée ».

Rapidité, précision, fiabilité : les bénéfices pour le client/patient

Ceux qui adoptent les technologies avancées d’intelligence artificielle prennent une longueur d'avance, offrant des services de meilleure qualité et répondant plus efficacement aux besoins de leurs clients ou patients. Tout en améliorant la précision et l'efficacité des services fournis.

Des supports mieux présentés

Au gain de temps s’ajoute généralement le constat d’une qualité accrue dans la production des documents fournis au client/patient, comme l’explique Bénédicte Bury, qui est aussi présidente de l’organisme de formation de l’UNAPL (professionnels libéraux de la région d’Île-de-France) : « les outils d’intelligence artificielle contribuent à la personnalisation et à la qualité pédagogique des présentations, qu’il s’agisse de supports de cours, de présentations interactives, de création automatique des contrats, des feuilles de présence et autres documents administratifs nécessaires, de conception des Quiz ou d’exercices, tout au long du processus d’amélioration continue Qualiopi ». Philippe Touzet, avocat au sein du cabinet Touzet Associés, partage quant à lui son expérience des outils utilisés au quotidien pour améliorer la qualité des documents fournis au client : « Je commence à utiliser l'intelligence artificielle de façon régulière, soit pour obtenir des informations ponctuelles avec un excellent outil comme Perplexity, mais aussi pour générer des présentations PowerPoint avec Gamma, très simple d'utilisation et assez bluffant ». Du coté des experts-comptables, Christophe Priem, affirme également que « l’IA améliore l'expérience client grâce à des services plus rapides et personnalisés et soutient aussi le développement professionnel continu des experts-comptables ».

Des diagnostics plus rapides

En médecine, l’IA s’avère un outil précieux d’aide au diagnostic. En radiologie par exemple, « cette aide concerne les maladies ostéo-articulaires, la mammographie et certains scanners, comme celui du thorax pour la détection des nodules » explique Jean-Philippe Masson, radiologue et président de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR). « Ces logiciels permettent un gain de temps certain en déchargeant le radiologue de la réalisation de mesures fastidieuses et chronophages ». Chez les vétérinaires « les outils de diagnostic assistés par IA permettent déjà une détection plus rapide et plus précise des maladies, réduisant ainsi le temps nécessaire pour poser un diagnostic » affirme Chantal Legrand. « Les systèmes de gestion des dossiers médicaux vont de plus en plus utiliser l'IA pour organiser et analyser les données des animaux, améliorant ainsi la précision des traitements. L’IA va permettre d’améliorer la précision, la rapidité et l'efficacité des soins vétérinaires ».

Des outils pour anticiper et affiner sa stratégie

L’IA offre aujourd’hui des outils d’analyse prédictive très convoités notamment par les professionnels du chiffre, comme nous l’explique Christophe Priem, expert-comptable : « les analyses prédictives, permettent d'anticiper les tendances et de détecter les risques, ce qui m’aide à formuler des recommandations stratégiques. Elle assure une meilleure conformité réglementaire et optimise l'efficacité des ressources, réduisant ainsi les coûts et augmentant la productivité tout en permettant une meilleure qualité de travail pour le collaborateur ». Mathieu Stenger, expert-comptable et directeur général du cabinet COGEP confirme : « L'IA est la nouvelle force motrice de la transformation continue de notre métier. Avec les analyses prédictives, elle va progressivement modifier notre quotidien professionnel. Notre projet intégrant l’IA, appelé DATA 360, a été initié dans le cadre d’un travail collaboratif entre nos pôles métiers et une équipe d’étudiants en Master Big Data de Grenoble. Les perspectives sont prometteuses et les cas d’usages multiples ».

Une aide précieuse à la décision

Gastro-entérologue à la Clinique de Reims Bezannes, Franck Devulder dispose depuis quelques mois d’une chaîne d’endoscopie digestive disposant d’un logiciel de reconnaissance d’image utilisant l’IA. « C’est pour nous, gastroentérologues, un progrès indéniable. Cela améliore le taux de détection des polypes de 14 % et réduit ainsi le risque de survenue de cancer colo-rectal. Le dépistage du cancer colo rectal et des lésions précancéreuses est une priorité nationale et ma demande est que l’IA puisse rapidement équiper tous les blocs d’endoscopie digestive ». 

Même constat pour Pascal Artru, cancérologue digestif à Lyon : « en cancérologie, l'aide à la décision est en cours de validation mais en endoscopie digestive, les outils d'analyse de l'image sont déjà opérationnels. La détection des polypes en coloscopie diagnostique est un apport considérable qui améliore les performances de l'œil humain, optimisant ainsi la rentabilité diagnostique de l'examen tout en soulageant le stress de l'opérateur et corrigeant ses baisses de concentration ». 

Chantal Legrand, vétérinaire, affirme également à quel point « les algorithmes de reconnaissance d'images facilitent l'analyse des radiographies et des échographies, offrant ainsi des résultats fiables et instantanés ». Pour Rémi Gellé, vétérinaire également, le constat est aussi celui d’une aide précieuse de la part des outils d’intelligence artificielle, permettant de rassurer les plus anxieux, dans une profession particulièrement touchée par le stress et les risques d’épuisement professionnel : « Alors qu’on observe l’inquiétude chez nos confrères et consœurs quant à leur responsabilité en cas d’erreur médicale ou de manque de connaissances, l’IA, que ce soit en tant que deuxième avis sur une radiographie, des résultats d’analyse ou des hypothèses diagnostiques, ou d’appui bibliographique va les rassurer et les conforter dans leurs prises de décision ».

Évidemment, pas question de céder la main

Les professionnels se sentent-ils menacés par l’intelligence artificielle ? Ils répondent en cœur. Non ! L’IA ne remplace pas le professionnel qui reste seul responsable des décisions prises. 

Un assistant médical sous contrôle

Dans le domaine médical, les outils d’intelligence artificielle équivalent à un assistant efficace, un collaborateur junior fiable à qui l’on peut demander sans crainte des tâches simples et chronophages qui nécessitent toutefois le contrôle du praticien, seul responsable des décisions prises. « L’IA nous permet d’être meilleur, en gagnant en précision, en temps et en confort. Elle va nous permettre de mieux traiter nos patients. Mais à la fin, la prise de décision, l’arbitrage, restera entre nos mains » selon les vétérinaires Rémi Gellé et Guerric Radière. « Il n’est évidemment pas question que les outils d’intelligence artificielle se substituent au praticien » affirme Jean-Philippe Masson. « Le radiologue reste le seul responsable légal du compte rendu qui doit obligatoirement être réalisé après l'interprétation aidée ou non -cette aide doit être précisée dans le texte- et signé par le radiologue. Cette signature confirme l'engagement de la responsabilité du radiologue ».

L’avocat reste le « maître »

Dans le domaine juridique, l’intelligence artificielle s’intègre doucement mais surement pour transformer les pratiques professionnelles et améliorer les résultats. On sent pourtant chez les professionnels du droit une certaine prudence dans leurs constats. Luc-Marie Augagneur, avocat associé chez Cornet Vincent Ségurel estime qu’il « ne faut pas succomber à la loi d'Amara (surestimer l'incidence à court terme, la sous-estimer à long terme). Nous n'attendons pas des différentes IA actuelles qu'elles nous apportent des résultats fiables ni qu'elles prennent notre plume ou notre voix -cela c'est à nous de le faire. Pour l'instant, l'IA est pour nous un objet d'expérimentation, de créativité et de développement d'un savoir-faire spécifique. Mais notre finalité principale est d’en faire un outil de knowledge management de notre production intellectuelle ». Pour Laura Mancini, avocate, la prudence est de mise : « Je fais toujours très attention à la limite de l'outil sur l'exactitude des informations données ainsi qu’aux données confidentielles qu'il ne faut pas communiquer. Il y a encore beaucoup de progrès à faire, notamment sur la sécurisation des données et l'idéal serait un outil développé par la profession pour nous garantir de l'utiliser sans appréhension ».

Alexandre Marion, avocat associé au sein du cabinet La Tour International, souligne quant à lui l’importance de se recentrer sur la relation humaine avec le client : « Cette évolution doit amener notre profession à s’adapter en s’appuyant sur l’intelligence artificielle tout en se recentrant sur la relation humaine avec le client. Nous ne devons pas perdre de vue que l'intuition humaine vaut toujours mieux que l'interface homme/machine parce qu'elle est toujours plus audible par nos clients ».

Prudence également du côté des notaires avec Alexia Arno qui estime que « l'IA n'a pas réellement impacté la profession. Faillible, les jeunes IA ont besoin de se former, d’apprendre pour se perfectionner et dépasser la connaissance juridique de l’homme. Assurément, l’IA prendra de plus en plus de place. Nous constatons une véritable curiosité des membres de la profession pour l’IA, bien plus que lors de l’émergence de la blockchain. De nombreux événements sur l’IA sont organisés au sein de la profession et sont un véritable succès. Ce qui nous intéresse avec l’IA ? Gagner du temps de vie ! »

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