La newsletter OnLib'Infos

Des articles dédiés à toutes les professions libérales

Rémunérations versées aux associés professionnels internes dans les SEL : un nouveau sujet pour les professions libérales et leurs conseils

Toutes professions libérales
Rémunérations versées aux associés professionnels internes dans les SEL : un nouveau sujet pour les professions libérales et leurs conseils
Rémunérations versées aux associés professionnels internes dans les SEL : un nouveau sujet pour les professions libérales et leurs conseils

Le 15 décembre 2022, l’administration fiscale a mis fin à la pratique issue de la fameuse réponse ministérielle dite « Cousin » concernant les rémunérations des associés dans sociétés d'exercice libéral (SEL). Philippe Taboulet, expert-comptable, fait le point sur le nouveau régime d’imposition en BNC, en principe applicable depuis le 1er janvier 2023, avec une tolérance au 31 décembre.

La hotte du Père Noël 2022 a apporté un nouveau dispositif fiscal pour l’exercice libéral en SEL (BOFIP 15 déc. 2022, BOI-RSA-GER-10-30 puis BOFiP, Actualité RSA ; BNC 5 janv. 2023) venant sérieusement compliquer, à partir de 2024, les modes déclaratoires des revenus des associés. Les conseils usuels seront en première ligne cette année pour de probables accompagnements de changement de statut et préparation d’optimisations.

Quel contexte ?

Comme on le sait, doctrine administrative et jurisprudence du Conseil d’État s’opposaient sur le mode déclaratif des revenus. L’Administration admettait, pour la rémunération des fonctions techniques des associés qui n’ont pas de clientèle personnelle, le bénéfice de la catégorie des traitements et salaires, avec la réponse ministérielle Cousin (RM Cousin, n° 39397, JO AN du 16 septembre 1996, p. 4930). Mais dans plusieurs arrêts, le Conseil d’État a classé cette rémunération dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux (BNC), sauf à démontrer qu’il existerait un lien de subordination entre l’associé et la SEL. Il s’en suit, depuis plusieurs années, un imbroglio juridique fâcheux concernant principalement les SELAS, imbroglio auquel l’administration fiscale a mis fin le 15 décembre 2022 en ces termes : 

« La réponse ministérielle faite à M. Cousin (...), aux termes de laquelle les rémunérations des associés non dirigeants d'une SELARL qui exercent leur activité au sein de cette société et qui n'ont pas de ce fait de clientèle personnelle relèvent normalement du régime des traitements et salaires, est rapportée et n’est plus applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023. » 

Quel régime à compter du 1er janvier 2024 ?

Rémunération versée au titre du mandat social

  • dans les SELARL, la rémunération du gérant majoritaire - souvent confondue avec celle des fonctions techniques - relève de l'article 62 du CGI (c'est-à-dire assimilé aux traitements et salaires) ; 
  • dans les SELAS/SELAFA, la rémunération versée au titre du mandat social relève de la catégorie des traitements et salaires.

Rémunération versée au titre des fonctions techniques

  • en l'absence de lien de subordination avec la société, la rémunération doit être imposée dans la catégorie des BNC. Mais deux exceptions : le cas du gérant majoritaire de SELARL et des associés gérants de SELCA si les fonctions sont indissociables du mandat. Dans ce cas, la rémunération sera imposée selon l'article 62 du CGI, c'est-à-dire assimilé aux traitements et salaires.
  • en présence d'un lien de subordination avec la société, la rémunération doit être imposée dans la catégorie des traitements et salaires.

Quelles conséquences pratiques ?

Une première interrogation : comment démontrer le lien de subordination éventuel pour demeurer en mode traitements et salaires ?

À notre avis, l’exercice ne va pas être aisé, il sera sous le contrôle a posteriori de l’administration fiscale qui étudiera les conditions de droit et de fait et ce de manière plutôt restrictive. Pour rappel, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. La signature d’une convention d’exercice libéral pour l’associé définira statut et obligations, bien difficile à relier dans la pratique à un mode de subordination vis-à-vis de la SEL. Voici ce que rappelle une telle convention dans le monde de la biologie médicale :

Le biologiste exerce en tant que biologiste médical au sein de la SELAS et est dument enregistré à ce titre en tant que professionnel libéral auprès des organismes compétents. Le biologiste remplit les conditions requises pour exercer en tant que biologiste médical, au sens de l'article L6213-1 du Code de la santé publique. Par ailleurs, Le biologiste est tenu de se conformer au code de déontologie des pharmaciens (article L4235-1) ou médecins (article L 4127-1) du code de la santé publique…. Le biologiste exerce son art au sein de la SELAS en toute indépendance et sous sa seule responsabilité́…. La SELAS verse au biologiste une rétrocession d’honoraires en fonction de ses vacations effectuées, soit un versement mensuel, d’une rétrocession d’honoraires d’un montant fixé à … €. Cette rétrocession d’honoraires s’entend pour …. vacations par semaine. Etc.

Si l’on écarte, ce premier sujet, de nombreux associés de sociétés d'exercice libéral doivent donc passer d'un régime de traitements et salaires à un régime d'imposition BNC avec diverses conséquences.

D’autres interrogations

  • Inscription ou non à l’AGA (après la suppression en 2023 de la majoration du revenu imposable) ?
  • Qui tient la comptabilité annuelle de l’associé de la SEL ? L’expert-comptable ? L’AGA ? L’associé ?
  • Déclaration annuelle contrôlée 2035, ou micro-BNC et éventuelle réduction d’impôt ?
  • Quelle charge fiscale CET et a minima CFE ?
  • Quel suivi des frais professionnels, cotisations facultatives et obligatoires, alors que le professionnel perd l’abattement de 10 % pour les frais professionnels des salariés ?
  • L’associé doit-il désormais facturer sa prestation à la SEL ?
  • Le rattachement à la catégorie des BNC ne devrait-il pas avoir pour effet de faire rentrer les rémunérations dans le champ d’application de la TVA ? Rappelons que les règles applicables en matière de revenu sont indépendantes de celles applicables en matière de TVA. Peut-on invoquer l’article 256 A du code général des impôts si les associés consacrent l’ensemble de leur activité à la société, sans pouvoir développer de clientèle personnelle en se situant sous un lien de dépendance économique les plaçant hors du champ d’application de la TVA ?
  • Quels sont les critères permettant de considérer que la rémunération de gérance est distincte ou non de la rémunération technique ?
  • Les intérêts d’emprunt pour l’achat de parts de SEL seraient-ils déductibles ? Les parts d’exercice dans la SEL sont-elles à inscrire à l’actif professionnel du BNC ? Ou quel régime de plus-value après une cession de parts demain : une fiscalité privée ou professionnelle ?
  • Faut-il envisager l’exercice de l’option à l’impôt sur les sociétés selon la possibilité ouverte par l’article 13 de la loi 2021-1900 du 30 décembre 2021 ?

Probablement, cette liste n’est-elle pas exhaustive et promet-elle aux conseils des missions ad hoc pour les associés, notamment pour les activités libérales dégageant de fortes contributions de revenus.

En conclusion ?

Le nouveau dispositif présente l’avantage d’aligner le statut de l’indépendance posé pour le statut social des fonctions techniques avec celui du nouveau régime fiscal. Mais le client appréciera-t-il cette évolution alors que la finalité de la création de la SEL est bien l’unité juridique de l’exercice en commun avec sa mutualisation des moyens et non une nouvelle complication administrative s’ajoutant déjà aux obligations pesant sur la SEL ? Les SEL ne peuvent accomplir les actes d’une profession déterminée que par l’intermédiaire d’un de leurs membres ayant qualité pour exercer cette profession. N’aurait-il pas été plus simple de conserver l’amendement n°I-CF101 présenté à l’Assemblée Nationale, dans le projet de loi de finances pour 2023, le 28 septembre 2022, voulant tenter de « mettre fin à une situation d’insécurité juridique en prévoyant que la rémunération des fonctions techniques des associés de ces sociétés soit traitée fiscalement comme des traitements et salaires » ?

Peut-être le Père Noël aurait-il pu garder ses cadeaux dans sa hotte...

onlib
Inscrivez-vous à notre newsletter
dédiée à toutes les professions libérales
Je m'abonne