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Radiologues indépendants : comment réussir votre regroupement ?

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Radiologues indépendants : comment réussir votre regroupement ?
Radiologues indépendants : comment réussir votre regroupement ?

En pleine mutation, le secteur de l’imagerie médicale connaît une dynamique de concentration croissante marquée notamment par la volonté de radiologues indépendants de structurer leur activité à l’échelle régionale et nationale. Définition du projet, évaluation, structuration juridique, documentation, gouvernance : Benoît Chevalier et Emmanuelle Girault, avocats associés au sein du cabinet Noval Avocats, analysent les conditions de réussite de la démarche, alternative possible à l’adossement d’un partenaire financier.

La radiologie libérale privée connaît une dynamique de concentration croissante, accentuée par l’intérêt des acteurs financiers pour ce secteur d’activité. Pour autant, ce phénomène n’est pas exclusif d’une consolidation entre cabinets de radiologues indépendants, désireux de consolider leur implantation régionale tout en répondant aux enjeux médicaux, économiques et technologiques de la profession.
Le regroupement entre radiologues libéraux peut alors constituer une alternative à l’adossement d’un partenaire financier, dont la réussite est largement conditionnée par la définition préalable d’un projet médical ainsi que l’étude des modalités juridiques de sa réalisation. Dans ce contexte, les discussions présidant à la détermination des règles statutaires et extrastatutaires (i.e. celles qui figurent dans un pacte d’associés) relatives à la gouvernance et à l’évolution du capital occupent une place significative.
Enfin, si plusieurs opérations de regroupement sont envisageables (fusion-absorption de sociétés d’exercice libéral (SEL), cession ou apport de parts sociales ou d’actions, etc.), leur succès repose également sur une analyse approfondie de leurs aspects professionnels, économiques, juridiques et fiscaux.

Le projet d’entreprise et le projet médical

Le succès d’un regroupement de radiologues repose généralement sur la définition assez précise d’un projet d’entreprise – qui englobe le projet médical – permettant de vérifier l’existence d’un alignement d’intérêts entre les futurs associés.
Il s’agit notamment de vérifier que la conception stratégique et organisationnelle de l’exercice de la profession est partagée, de telle sorte qu’elle se matérialise dans une gouvernance efficace permettant d’éviter les blocages décisionnels, voire la cession de la structure contre la volonté de certains associés.
Ainsi, les différentes thématiques ci-après exposées – à titre non exhaustif – doivent être en principe passées en revue par les radiologues parties au projet de regroupement.

L’indépendance professionnelle

Les décisions médicales des radiologues doivent être prises en toute indépendance, sans pression financière ou organisationnelle. Cette indépendance doit être notamment garantie par les règles de gouvernance de la société, qu’elles figurent dans les statuts ou dans tout autre document (pacte d’associés, règlement intérieur, etc.).

La qualité des soins

Le projet médical doit viser à garantir et à améliorer la qualité des soins apportés aux patients, conformément aux recommandations des autorités de santé.
Les actions à mener doivent donc se concrétiser par le développement de protocoles communs adaptés aux équipements disponibles et aux évolutions technologiques, l’évaluation et l’amélioration continue de la qualité, la garantie du respect des droits des patients, etc.

L’organisation technique et les évolutions technologiques

Le projet médical doit anticiper les évolutions technologiques, notamment l’intelligence artificielle (IA) et la téléradiologie, tout en respectant les dispositions réglementaires applicables.
Au-delà des enjeux technologiques, les radiologues doivent s’accorder sur les aspects techniques, logistiques et informatiques du projet, ainsi que sur la stratégie d’implantation de nouveaux sites.

Les conditions d’exercice professionnel

Dans le cadre d’un projet de regroupement de radiologues exerçant au sein d’une SEL, les conditions d’exercice (temps de travail, congés, maladie, etc.) et les modalités de rémunération (règles de rémunération du travail et politique de distribution de dividendes) doivent être organisées : c’est en principe le rôle du règlement intérieur et des conventions d’exercice professionnel qui seront discutés en amont de la réalisation du regroupement.

L’immobilier

Un état des lieux de l’immobilier doit permettre aux radiologues d’apprécier les conditions des baux consentis pour chacun des sites des sociétés parties au regroupement envisagé.
Lorsque les radiologues sont eux-mêmes associés des sociétés civiles immobilières (SCI) ayant donné à bail des locaux aux SEL dans lesquelles ils exercent leur activité, la question de l’ouverture du capital de ces SCI à l’ensemble des radiologues est fréquemment posée.

Les conventions passées avec les établissements de santé

L’examen de ces conventions permet d’apprécier les conséquences du regroupement des structures d’exercice des radiologues sur la pérennité des conventions établies avec des établissements de santé (hôpitaux, cliniques privées, centres de santé).
Les radiologues doivent donc s’assurer que leur regroupement ne remette pas en cause ces conventions, notamment lorsqu’elles ont été passées avec une SEL qui doit faire l’objet d’une fusion-absorption par une autre SEL et disparaître compte tenu de sa dissolution.

La gouvernance

Une gouvernance efficace est essentielle dans un regroupement de cabinets de radiologie pour assurer une organisation claire des pouvoirs et faciliter les prises de décisions, en conformité avec la règlementation et les obligations déontologiques. 
Les règles de gouvernance sont en principe stipulées dans les statuts de la société et, le cas échéant, un pacte d’associés ; différents organes sociaux (tels que des comités de direction, de pilotage ou de surveillance) peuvent ainsi être institués pour assister les associés dans la gestion et l’adoption des décisions stratégiques, notamment en cas d’opérations de croissance externe et de regroupement avec d’autres praticiens.
Des clauses spécifiques (exclusion, retrait, droit de préférence, arbitrage, …) permettent en outre d’anticiper ou de gérer certains désaccords entre associés, et de prévoir les modalités de rachat de leurs parts sociales ou de leurs actions.
En définitive, l’institution d’une gouvernance solide emportant l’adhésion de tous les radiologues associés est de nature à favoriser une gestion fluide et équilibrée de la société.

Le contrôle de l’évolution du capital social

Lors du regroupement au sein d’une même SEL, la détermination des règles permettant aux radiologues de contrôler l’évolution du capital de la société apparaît essentielle afin de garantir la pérennité et l’harmonie des relations entre associés, tout en préservant intérêts patrimoniaux et indépendance professionnelle.
Il s’agit habituellement de déterminer les règles de transmission et de valorisation des parts sociales ou des actions de la SEL, les conditions de retrait des associés (notamment en cas de départ à la retraite), de prévoir les modalités de l’association des jeunes radiologues et la possibilité de constituer des sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL), d’anticiper ou de gérer certains désaccords entre associés, etc.
À cet effet, la conclusion d’un pacte d’associés est généralement envisagée, en complément des statuts, pour organiser les relations entre les radiologues associés post-regroupement. Le pacte devra définir clairement les droits et obligations des associés, notamment en matière de gouvernance, de cession des parts sociales ou d’actions au profit d’autres associés ou de tiers, et d’adoption des décisions collectives.
Selon les mécanismes qui seront ainsi stipulés dans le pacte, l’intégration de nouveaux associés et la transmission progressive du capital à de plus jeunes radiologues pourront être facilitées.

Le développement et la transmission

La pérennité et l’indépendance de la structure d’exercice des radiologues repose sur certains choix stratégiques tels que son développement géographique, son éventuelle adhésion à un réseau et sa transmission générationnelle.
À ce titre, l’absence d’anticipation peut entraîner une concentration du capital entre quelques associés, risquant d’aboutir à une cession groupée au profit d’un tiers en vue de répondre à un objectif de liquidité.
Pour faciliter la transmission, différentes solutions existent parmi lesquelles la constitution de sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) qui pourront bénéficier d’un régime fiscal de faveur facilitant le remboursement de la dette souscrite à l’occasion de l’acquisition de parts sociales ou d’actions de SEL.
Alternativement ou cumulativement, les associés cédants peuvent se faire racheter leurs titres par la SEL elle-même lors d’une réduction de son capital social, voire consentir des cessions échelonnées, éventuellement assorties d’un crédit-vendeur, pour favoriser l’intégration progressive des jeunes radiologues.
Quelles que soient les modalités choisies, des mécanismes incitatifs doivent être recherchés pour permettre aux jeunes praticiens d’investir à la fois compétences et capital dans la structure d’exercice, et assurer la transmission générationnelle dans les meilleures conditions. 
À la suite de la définition du projet d’entreprise et du projet médical, la phase des évaluations des sociétés et cabinets dont le regroupement est envisagé constitue une étape cruciale et préalable à l’établissement de la documentation juridique.

Les évaluations

Les travaux préalables d’évaluation subordonnent la réalisation du regroupement projeté, et génèrent parfois certaines crispations entre les parties.
Afin de garantir l’équilibre de l’opération, il est généralement préférable de recourir à un tiers évaluateur – disposant d’une bonne connaissance du secteur d’activité – à moins qu’une même méthodologie de valorisation emporte déjà l’adhésion de tous les radiologues.
Les évaluations de chacune des structures d’exercice vont permettre de fixer la valeur des apports, d’établir une parité d’échange en cas de fusion, de négocier le prix des cessions de parts ou actions et d’identifier les forces et faiblesses économiques des entités concernées.
Ces évaluations vont mécaniquement dessiner la physionomie de la répartition du capital social de la société post-regroupement. À ce titre, si la répartition égalitaire entre les associés n’est plus la règle prédominante, il subsiste parfois quelques réticences à la réalisation d’un regroupement au sein d’une société dont certains futurs associés détiendraient une quotité de capital social supérieure à celle détenue par les associés fondateurs. 
Dans ce dernier cas, un alignement des participations peut être envisagé par le versement d’une soulte aux associés concernés, permettant ainsi de monétiser la quote-part de survaleur de leur détention capitalistique.
En tout état de cause, et compte tenu notamment de la sensibilité des enjeux financiers, une réflexion préalable est indispensable non seulement pour garantir l’équité des conditions de rémunération et de détention du capital des radiologues associés, mais encore pour vérifier la viabilité économique eu regroupement projeté.

L’étude de la structuration juridique

La phase d’étude de la structuration juridique du regroupement va permettre d’identifier précisément les opérations nécessaires à sa réalisation et d’en apprécier les conséquences fiscales.
Ces opérations s’accompagnent fréquemment d’une liquidité (cash-out) partielle ou totale pour certains radiologues, impliquant parfois un endettement conséquent de la société post-regroupement.
Dans un contexte économique et concurrentiel mouvant, cet endettement doit s’apprécier en tenant compte non seulement des besoins de financement de la structure d’exercice, en rapport avec ses projets d’investissements et de croissance organique, mais encore de ses futurs projets de regroupement avec d’autres confrères.
La réflexion des conseils des radiologues doit donc conduire à envisager différents schémas de structuration juridique, à l’aune des projets de développement de la société au sein de laquelle les radiologues se regrouperont, mais également en considération de leurs impacts fiscaux.
Concomitamment à l’étude de la structuration juridique, un business plan est généralement établi en tenant compte de la consolidation des activités des cabinets regroupés, afin d’appréhender les conséquences économiques de l’opération et permettre à chacune des parties d’en apprécier la pertinence.
Chaque regroupement doit ainsi être étudié au cas par cas, dans la mesure où le cahier des charges défini par les futurs radiologues associés dépend nécessairement des souhaits et des objectifs poursuivis par chacun.

La documentation juridique

Une fois le schéma juridique validé, le regroupement des cabinets de radiologie nécessitera la formalisation de plusieurs actes et documents juridiques destinés à sécuriser l’opération et assurer sa conformité avec la règlementation applicable à la profession.

À titre indicatif, il s’agit notamment :

  • de la lettre d’intention (LOI), pour encadrer les négociations et définir les intentions des parties, le périmètre de l’opération et les conditions suspensives qui l’affectent, les principes de valorisation, etc. ;
  • du protocole d’accord ou de cession (SPA), qui formalise la volonté des parties et les modalités de réalisation de l’opération (cessions, apports, fusion, …), et peut inclure certaines stipulations usuelles telles qu’une garantie d’actif et de passif, des clauses de complément ou de révision de prix ainsi que des engagements de non-concurrence et d’inaliénabilité ;
  • des statuts et du pacte d’associés qui encadrent l'organisation, le fonctionnement et la gouvernance de la société dans laquelle exercent les radiologues et permettent de garantir sa stabilité grâce au contrôle de l’évolution du capital social (mécanismes d’association et de retrait), à l’anticipation de certaines situations conflictuelles et à la définition précise des droits et obligations des associés ;
  • du règlement intérieur et/ou des conventions d’exercice professionnel, qui encadrent le fonctionnement interne de la société et l’organisation quotidienne de l’activité des radiologues (rémunération, gestion des plannings et des congés, arrêts en cas de maladie ou de maternité, organisation des permanences, utilisation des équipements, prise en charge des frais professionnels, etc.).

La gouvernance

Les réflexions sur la gouvernance menées lors de la définition du projet d’entreprise prendront forme lors de la réalisation du regroupement des radiologues. 
La réussite du regroupement est fortement liée aux règles de gouvernance organisant les relations entre radiologues associés, tant dans le cadre de l’exercice de leur activité professionnelle que dans l’exercice des prérogatives s’attachant à leur qualité d’associé. 
La démocratisation des dispositions statutaires spécifiques sur la gouvernance et des pactes d’associés dans les SEL de radiologues démontre bien le besoin d’encadrement et de structuration du pouvoir décisionnel et des fonctions transversales des radiologues.
La réalisation d’une opération de regroupement est souvent l’occasion de réviser et d’améliorer la documentation juridique préexistante, sans faire pour autant table rase du passé. Il s’agit, au contraire, de tenir compte des expériences des radiologues associés de chaque société avant regroupement, afin d’éviter la reproduction de certains écueils et de retenir les modalités de gouvernance les mieux adaptées aux objectifs poursuivis.
En pratique, si la documentation juridique et les règles de fonctionnement de la société ayant le plus de poids au regard de sa valorisation et de son nombre d’associés – qui se confond souvent, en cas de fusion, avec la société absorbante – sont souvent privilégiées, il convient néanmoins qu’elles reçoivent l’adhésion de l’ensemble des futurs radiologues associés ; à cet égard, le bon sens doit conduire à accepter leur caractère évolutif et perfectible.

 

Le secteur de l’imagerie médicale est aujourd’hui marqué par l’essor de grands réseaux nationaux de cabinets de radiologie, qui regroupent des structures indépendantes sous une organisation commune.
Si la majorité de ces réseaux est adossée à des partenaires financiers, d’autres pourraient être le fruit d’une consolidation de l’activité de radiologues indépendants d’abord au niveau régional puis à l’échelle nationale ; dans cette perspective, l’emploi et le respect d’une méthodologie rigoureuse conditionnent généralement la réussite d’un regroupement de radiologues au sein d’une même entité juridique.
Si le rôle des conseils est particulièrement important en la matière, c’est bien la volonté de chaque radiologue de collaborer dans un intérêt commun au développement et à la transmission de l’activité qui demeure le gage du succès du projet associatif : le facteur humain est toujours déterminant lors d’une opération de regroupement de professionnels libéraux.

 

Noval Avocats est un cabinet d’avocats indépendant intervenant dans les différents domaines du droit des affaires, du droit de la santé et de la fiscalité, principalement pour le compte des professions libérales. Depuis plus de 40 ans, Noval Avocats a développé une véritable expertise dans le secteur de la santé, notamment dans le cadre de toutes les opérations juridiques liées à l’exploitation, la transmission et la restructuration de l’activité libérale.

 

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