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Professions libérales : se préparer aux nouvelles règles en vigueur dès le 1er septembre 2024

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Professions libérales : se préparer aux nouvelles règles en vigueur dès le 1er septembre 2024
Professions libérales : se préparer aux nouvelles règles en vigueur dès le 1er septembre 2024

L’Ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées offre un nouveau cadre juridique aux professionnels, plus simple, plus clair et plus sécurisant.
Valérie Bouchez et Marie Lalanne, avocates associées au sein du Cabinet LIBRATO AVOCATS, font le point sur ses principales mesures dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er septembre 2024.

Avant l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, la législation concernant les professions libérales était complexe et fragmentée. Les textes législatifs antérieurs, comme la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 applicable aux sociétés civiles professionnelles et la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 applicable aux sociétés d’exercice libéral, avaient accumulé des modifications au fil des ans, rendant le cadre légal de plus en plus opaque et parfois inadapté aux réalités modernes des professions libérales.
Chaque loi faisait l’objet de nombreux décrets d’application. Si des décrets propres à chaque profession libérale avaient pour avantage de bien préciser le cadre réglementaire applicable à une profession en particulier, plusieurs décrets pouvaient se succéder pour un type de profession, rendant complexe, pour les professionnels concernés, la compréhension de la réglementation applicable.
L'ordonnance du 8 février 2023, publiée au Journal officiel du 9 février 2023, découle de l'article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 relative à l'activité professionnelle indépendante et répond à un besoin croissant de clarification et de simplification des dispositions législatives concernant les professions libérales réglementées. Le texte, qui regroupe les professions concernées en trois grandes catégories - professions de santé, professions juridiques et judiciaires, professions techniques et du cadre de vie -, présente l’avantage de centraliser les dispositions qui leur sont applicables, qu’elles soient communes ou particulières.

Associés de société de droit commun (SARL, SAS, SA ou SCA) : une nécessaire harmonisation des statuts

La loi Macron du 6 août 2015 avait permis aux notaires, commissaires de justice, avocats, administrateurs ou mandataires, d’exercer sous forme de sociétés de droit commun de type SARL, SAS, SA ou encore SCA. Ces professionnels n’étaient donc plus tenus de constituer des sociétés d’exercice libéral (SEL), l’objectif étant de mettre un terme aux différences de traitement des professionnels libéraux entre eux, certains pouvant constituer des sociétés de droit commun.
Toutefois, la pratique a relevé une inadaptation, pour certaines professions réglementées, de ces sociétés. En effet, il existait un vide juridique sur certaines questions, réglées par les juges pour les sociétés d’exercice libéral, concernant notamment le régime fiscal et social des associés de société de droit commun.
L’ordonnance impose donc à ces professionnels libéraux, à compter du 1er septembre 2024, de mettre à jour les statuts de leur société constituée sous forme de droit commun (SARL, SAS, SA, ou SCA) pour se conformer aux nouvelles exigences légales. En d’autres termes, exit les sociétés de droit commun, place aux SEL !
En sont toutefois exclus les conseils en propriété intellectuelle, les experts-comptables et les commissaires aux comptes qui pourront continuer à exercer sous forme de société de droit commun. Nous déplorons cette disparité entre professions libérales.
Toutes les sociétés existantes (sociétés de droit commun et sociétés d’exercice libéral) auront jusqu’au 31 août 2025 pour procéder à une mise à jour de leurs statuts.
Les statuts devront notamment refléter la nouvelle catégorisation des professions libérales réglementées : professions de santé, juridiques et judiciaires et techniques et du cadre de vie.
À titre d’exemple, l’ordonnance vient mettre un terme, pour les professionnels libéraux exerçant une profession juridique ou judiciaire, à la limite fixée par la loi sur le montant des sommes laissées en compte courant d’associé. Il ne pouvait dépasser trois fois la participation en capital social de l’associé concerné. À compter du 1er septembre 2024, les professionnels juridiques et judiciaires pourront donc organiser comme ils le souhaitent la mise à disposition de sommes à la société.
Toutefois, tel n’est pas le cas des professionnels exerçant une profession médicale, pour lesquels l’ordonnance maintien une limite des sommes laissées à la disposition de la société et renvoie à un décret en Conseil d'État pour les conditions d’application.
Les statuts devront intégrer des clauses de gouvernance renforcées précisant les rôles et responsabilités des dirigeants et des associés.
Les objets sociaux devront être révisés dans certains cas pour les aligner avec les nouvelles régulations. Cela pourra inclure l'ajout de nouvelles activités ou la modification des activités existantes pour correspondre aux possibilités élargies d'investissement et de collaboration interprofessionnelle.
Il conviendra enfin d’adapter tous les documents internes de la société pour refléter les nouvelles dispositions statutaires. Cela inclut notamment les règlements intérieurs et les pactes d’associés.
Une bonne nouvelle toutefois : l’ordonnance du 8 février 2023 n’intègre pas de « clause de retrait » dans les SEL, clause existante dans les sociétés civiles professionnelles (SCP), selon laquelle un associé retrayant peut exiger le rachat de ses parts sociales à ses associés ou à la société dans un délai de six mois à compter de la notification de son retrait, ou dix mois au plus.
À noter également que le capital social des sociétés d’exercice libéral pourra continuer à être détenu par des professionnels n’exerçant pas leur profession dans la société au sein de laquelle ils détiennent des participations, favorisant ainsi les prises de participation croisées et la croissance. L’ordonnance précise toutefois, ce qui n’était pas le cas dans les textes antérieurs, que ces dispositions « ne peuvent bénéficier aux personnes faisant l'objet d'une interdiction d'exercice de la profession ou de l'une des professions dont l'exercice constitue l'objet de la société ».

Sociétés pluriprofessionnelles d’exercice : bienvenue aux géomètres-experts

Tout comme la loi du 31 décembre 1990, l’ordonnance du 8 février 2023 permet la création de sociétés de sociétés pluri-professionnelles d'exercice (SPE).
Toutefois, alors que la loi antérieure permettait à neuf professions de constituer, ensemble, une seule et même structure d’exercice, à savoir, les avocats, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, commissaires de justice, notaires, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, conseils en propriété industrielle, commissaires aux comptes et experts-comptables, l’ordonnance allonge cette liste en ajoutant une profession : les géomètres-experts.
La constitution d’une SPE répondra toujours à des exigences strictes, l’agrément de chaque autorité compétente ou ordres d’inscriptions pour chaque type de profession devant être obtenu et les règles propres à chaque profession devant être respectées.
Les SPE pourront mettre en commun des ressources matérielles et immobilières, ce qui simplifiera la gestion et réduira les coûts opérationnels pour les professionnels libéraux.

Sociétés de participation financières des professions libérales : des avancées juridiques intéressantes mais une fiscalité coupant court, en l’état, à toute opportunité

Les SPFPL sont les sociétés holding pouvant être constituées par les professionnels libéraux. Il ne s’agit pas de structures d’exercice.
Elles étaient limitées à la détention de participations dans des SEL. Elles voient leur périmètre d'investissement élargi.
Si la loi du 31 décembre 1990 prévoyait expressément que les SPFPL pouvaient « exercer toute autre activité sous réserve d'être destinée exclusivement aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des participations », cette phrase ayant été largement interprétée par la pratique comme permettant des prises de participation au sein de société ayant pour objet l’investissement immobilier, l’ordonnance précise désormais que les SPFPL peuvent « détenir, gérer et administrer tous biens et droits immobiliers et fournir des prestations de services, sous réserve que ces activités soient destinées exclusivement au fonctionnement des sociétés ou groupements dans lesquels elles détiennent des participations. Sous cette réserve, elles peuvent notamment détenir des parts sociales ou actions de toute société à forme civile ou commerciale aux seules fins d'acquérir et d'administrer des immeubles ».

L’ordonnance confirme donc ce qui correspond à un véritable besoin des professionnels libéraux dans le cadre de la constitution de leur patrimoine professionnel : ces derniers peuvent donc détenir, par l’intermédiaire d’une holding, des titres de SCI détenant elle-même le bien immobilier acquis pour l’exercice de l’activité professionnel ou investir directement par le biais de leur holding dans un bien immobilier affecté à l’exercice de leur activité professionnelle.
Outre l’intérêt pour le professionnel de ne pas financer l’acquisition d’un bien professionnel à titre personnel, afin notamment de déduire les intérêts d’emprunt, la constitution d’une SPFPL a le mérite de limiter la responsabilité aux dettes de l’associé.
Les SPFPL peuvent également détenir des participations dans des sociétés commerciales « sous réserve que l'objet de ces dernières soit la réalisation de toute activité que les professionnels détenant la société de participations financières libérales sont autorisés à exercer conformément aux règles applicables à chacune des professions ».
Ainsi, elles pourront fournir des services de gestion, d’administration et de coordination pour leurs filiales et participations, ce qui leur permet de jouer un rôle plus actif dans la gestion des sociétés détenues.
Toutefois, cette prise de participation dans des sociétés commerciales n’est offerte qu’aux professionnels juridiques et judiciaires.
Deux autres limites doivent être relevées :

  • Ces dernières ne peuvent prendre des participations dans des sociétés civiles professionnelles qui ne peuvent toujours être constituées qu’entre personnes physiques.
  • La Cour de cassation, dans son arrêt n° 21-20.366 du 19 octobre 2023 a largement limité l’intérêt de la SPFPL en considérant que les dividendes distribués par la société d’exercice à la SPFPL devaient être soumis à charges sociales professionnelles. Cet arrêt a naturellement été largement contesté par les professionnels libéraux, considéré comme étant contraire aux dispositions de l’article L131-6 du Code de la sécurité sociale.
    Le Sénat a été interrogé sur cette décision le 15 février 2024 et nous restons en l’attente d’une réponse.

Renforcement des garde-fous

Face à la montée de la financiarisation de certaines professions libérales (biologistes, vétérinaires, etc.), l'ordonnance vise à garantir l’indépendance des professionnels libéraux dans l’exercice de leur activité, sans influence extérieure qui pourrait compromettre la qualité et l'intégrité de leurs services. Cela est crucial, surtout dans des professions où l'éthique et la responsabilité envers les clients ou patients sont primordiales.
Une surveillance accrue est ainsi laissée aux Ordres professionnels qui demanderont la communication non seulement des règlements intérieurs mais aussi des pactes d’associés. 
Les pactes d’associés, documents par principe confidentiels, régissent souvent des aspects importants tels que la gouvernance, les droits de vote, la répartition des bénéfices et les conditions d’entrée et de sortie des associés. En contrôlant ces actes, les Ordres professionnels vérifieront que les pratiques internes sont conformes aux exigences légales et éthiques (ex : liberté du professionnel libéral dans l’exercice de son art).
Les sociétés (SEL et SPFPL) devront également communiquer une fois par an aux Ordres professionnels concernés, la répartition du capital, la composition des droits de vote et les statuts à jour.
Nous sommes toujours dans l’attente de décrets d’application pour connaître les éventuelles sanctions en cas de non-transmission de ces informations.

Sur les décrets parus

À ce jour, seul le décret n° 2023-1165 du 9 novembre 2023 a été publié. Il est relatif à la liste des professions relevant de la famille des professions juridiques et judiciaires qui sont :

  • les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires,
  • les avocats,
  • les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
  • les commissaires de justice,
  • les greffiers des tribunaux de commerce,
  • les notaires.
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