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« Les fondamentaux de la profession sont les mêmes depuis 2000 ans... »

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« Les fondamentaux de la profession sont les mêmes depuis 2000 ans... »
« Les fondamentaux de la profession sont les mêmes depuis 2000 ans... »

Le 30 mai dernier, 18 000 officines ont manifesté leur inquiétude et leur mécontentement face à l’insuffisance du soutien de l’État aux entreprises officinales, plombées par l’inflation, la baisse des prix des produits de santé et les pénuries de médicaments. Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) nous livre son regard aiguisé sur l’évolution du marché des officines, les enjeux de la pénurie de médicaments et les perspectives pour l’avenir de la profession.

Que s’est-il passé depuis la manifestation du 30 mai dernier, lors de laquelle 18 000 officines ont fermé leurs portes ?

À compter de cette journée du 30 mai, les choses se sont accélérées de façon considérable... Le jour même, nous avons été rassurés par le gouvernement précédent sur sa volonté de lutter contre la financiarisation et le fait qu’il n’y aurait pas de travaux sur la vente sur internet sans y associer les représentants de la profession. Le résultat est évidemment très positif, même si je voudrais souligner à quel point il me semble regrettable d’avoir à passer par l’arme de la manifestation pour obtenir des choses que l’on pourrait obtenir par la voie du dialogue...

Par ailleurs, les négociations avec l’assurance maladie ont abouti la semaine suivante avec la signature d’un accord conventionnel et un programme d’action visant à garantir une perspective d’évolution positive de rémunération des pharmaciens, notamment dans la prise en charge en officine des angines et des cystites simples, qui seront rémunérées entre 10 et 15 €, contre 6 € auparavant et le soutien, via un financement particulier, aux officines rurales qui sont seules dans leur village.

2 000 officines ont mis la clé sous la porte entre 2014 et 2023. Est-ce un taux de défaillance annuel inquiétant selon vous ?

C’est évidemment très inquiétant. Le secteur des officines est extrêmement régulé en France, ce qui signifie qu’on ne peut ni ouvrir ni reprendre une pharmacie sans respecter des critères stricts. Quand il y a des fermetures, ce sont des fermetures nettes. Le régulateur estimait qu’il y en avait trop mais aujourd'hui, il est clair pour tout le monde que ces fermetures doivent cesser.

L’assurance maladie a pris position sur le sujet et affirmé qu’il n’était pas envisageable que les officines qui sont seules dans leur village ferment. Elle s’est également dite prête à soutenir les officines installées dans des villages où il n'y a pas de médecin. Ce sont des engagements forts. Nous assistons, me semble-t-il, à un retournement de tendance, avec une prise de conscience accrue de la nécessité de maintenir des pharmacies qui sont essentielles pour l’accès aux soins dans certaines zones.

Les pénuries de médicaments sont de plus en plus fréquentes. Quels sont les principaux facteurs à l'origine de ce problème ?

La principale difficulté est liée à l’incapacité de répondre à une demande mondiale qui explose. Avec plus de 8 milliards de personnes sur la planète, la consommation de médicaments atteint des niveaux sans précédent. La production mondiale est très sensible à la demande et sur le sol européen, nous avons malheureusement perdu une grande partie de notre capacité de production.... Aujourd’hui, nous dépendons majoritairement des usines situées en Asie et aux États-Unis. Donc c’est très simple, quand une pénurie survient, les pays producteurs ont tendance à privilégier leur propre population. Les pays qui, comme la France, ne disposent plus d'une production locale suffisante, en subissent les conséquences et deviennent des victimes collatérales de cette situation.

Un autre facteur à prendre en compte est le resserrement des prix des médicaments. Les besoins de santé augmentent chaque année et la part du PIB brut consacrée aux soins ne cesse de croître. Pour contenir ces dépenses, les États exercent une pression sur les industriels du médicament afin de réduire les coûts, ce qui contraint certains à rationaliser leur production parfois centralisée dans une seule usine à l’échelle mondiale. Donc si l’usine à un problème le monde entier a un problème...

Je vois une dernière difficulté : celle de l’impact des produits innovants qui font parfois un tel buzz qu’ils se retrouvent rapidement en rupture, la demande dépassant parfois largement les prévisions initiales et créant ainsi des tensions supplémentaires sur les chaînes d'approvisionnement.

Quelles sont les solutions sur lesquelles travaille la FSPF afin d’endiguer ces facteurs de pénurie ?

La première chose qui nous incombe à la FSPF, en collaboration avec l’agence nationale des médicaments et les industriels, est de faire la transparence sur les molécules en tension et de trouver des solutions pour gérer la pénurie. Par ailleurs, nous militons pour que les entreprises reviennent en France et que l’on puisse retrouver notre souveraineté industrielle mais nous sommes réalistes et conscient des difficultés économiques... Il va sans doute falloir apprendre à vivre avec les pénuries... 

Quels sont les sujets prioritaires de la FSPF pour 2024 et 2025 ?

En tant que syndicat nous avons trois missions à remplir : la recherche d’innovation, la promotion de la profession et le déploiement des mesures nouvelles obtenues. La période qui s’ouvre aujourd’hui est une période de déploiement puisque les accords conventionnels ont été signés juste avant la dissolution de l’Assemblée nationale et nous avons tout un corpus d’actes règlementaires désormais applicables. Nous sommes donc entrés dans une période de déploiement de l’ensemble de ces sujets, de prise en main, par les pharmaciens, de leurs nouvelles activités et de mise en œuvre des financements que nous avons récemment obtenus. Nous allons pouvoir avancer concrètement sur ces différents sujets importants et réfléchir en parallèle aux prochaines étapes.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes diplômés en pharmacie qui souhaitent s'installer en tant que pharmaciens libéraux ?

Je leur dirais avant tout : lancez-vous, n’hésitez pas ! La reprise d’une officine, notamment dans des zones rurales, est une opportunité unique. Cela permet d’exercer dans un cadre serein, sans la pression d’une concurrence directe, et de tisser des liens étroits avec la communauté locale. C’est un métier passionnant, avec un énorme potentiel de développement, tant sur le plan professionnel qu’humain. L’évolution du métier offre en outre des perspectives passionnantes, avec de nouveaux rôles à jouer, notamment dans l'accompagnement des patients et les services de santé de proximité. C’est une belle responsabilité, mais aussi une chance pour les jeunes professionnels.

Comment voyez-vous l'évolution de la profession de pharmacien d'ici les cinq à dix prochaines années ?

Les fondamentaux de la profession sont les mêmes depuis 2000 ans... Le pharmacien reste et restera une profession qui évolue entre les données à jour de la science et l’évolution de la population et de ses demandes. Le pharmacien doit en permanence s’adapter aux besoins des gens. Hier on fabriquait des potions ! Aujourd’hui, nous devons naviguer entre notre métier de professionnel de santé, les différentes contraintes d’un chef d’entreprise - l’informatique, le management notamment - et les évolutions liées à nos nouvelles missions de vaccination ou de prescription de médicaments. Et demain ? Il faudra sans doute appréhender d’autres façon de travailler liées à une médecine plus personnalisée, de la biologie délocalisée ou encore des outils d’intelligence artificielle très perfectionnés... Mais le fondamental du métier, c’est-à-dire professionnel de santé formé à l’intérieur d’une pharmacie de proximité ouverte à la population est là depuis 2000 ans et sera là dans 2000 ans, à condition qu’il s’adapte en permanence aux besoins.

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