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Les chirurgiens-dentistes : des «sentinelles de la santé»

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Les chirurgiens-dentistes : des «sentinelles de la santé»
Les chirurgiens-dentistes : des «sentinelles de la santé»

Virage préventif, évolutions technologiques, nouvelles règles d’installation, couverture maternité...  Entretien avec Pierre-Olivier Donnat, président de Les Chirurgiens-Dentistes de France (Les CDF) pour qui l’attractivité du secteur libéral doit rester une priorité, avec des conditions adaptées aux réalités de la profession.

La nouvelle convention nationale des chirurgiens-dentistes libéraux pour la période 2023-2028 a profondément réorienté l’exercice de la profession. Avec quelles implications pour les professionnels et le patient ?

En effet, l’un des défis majeurs de la convention nationale signée le 21 juillet 2023 réside dans le changement de paradigme de notre profession en visant à ne pas la confiner dans le tout-curatif. Notre objectif est la généralisation de « Génération sans carie » un dispositif préventif ambitieux portant une attention forte aux publics ayant les besoins les plus importants. À partir du 1er avril 2025, l’assurance-maladie prendra en charge un bilan dentaire annuel chez les 3-24 ans. Initialement prévu pour débuter au 1er janvier 2025, la mise en place de ces nouvelles mesures a été repoussée au 1er avril en raison de l’abrogation du projet de loi de financement de la sécurité sociale par le précédent gouvernement. Concernant les plus jeunes, nous avons signé, le 4 juillet dernier un avenant avec l’Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) pour élargir les revalorisations tarifaires aux enfants à partir d’un an et aux jeunes âgés de 25 ans, installant ainsi un réflexe de suivi bucco-dentaire dès le plus jeune âge. Ce virage préventif nécessite une adaptation économique et la prévention doit être rémunérée à sa juste valeur pour permettre aux cabinets dentaires de remplir leur mission.

Quel est l’enjeu majeur des nouvelles règles d’installation entrées en vigueur en 2025 pour les chirurgiens-dentistes ?

Les nouvelles règles d’installation des chirurgiens-dentistes, mises en œuvre dès cette année, reposent sur le dispositif conventionnel signé en 2023 qui résulte d’une signature commune avec le deuxième syndicat représentatif, la Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux (FSDL), témoignant d’un consensus unanime parmi les syndicats représentatifs de la profession. Ces mesures visent avant tout à réguler le développement anarchique des centres dentaires, dont certains ont été au cœur de scandales sanitaires ces dernières années. La nouvelle convention encadre plus strictement leur installation, particulièrement dans les zones déjà saturées, comme les grands centres urbains. Désormais, dans ces zones, aucune nouvelle installation n’est autorisée sans qu’un départ équivalent n’ait lieu, selon le principe du un pour un. Mais cela ne concerne que 0,3 % des communes...

L’enjeu majeur de ces nouvelles mesures est ailleurs. Un double phénomène d’héliotropisme et de concentration autour des villes universitaires crée des disparités importantes : certaines zones affichent en proportion jusqu’à huit fois plus de praticiens que d’autres considérées alors comme sous-dotées...

Pour répondre à ce problème, des contrats spécifiques d’installation et de maintien de l’activité ont été mis en place. Ainsi 21 172 communes réparties en 1 253 territoires de vie santé et couvrant 30 % de la population bénéficient désormais de mesures incitatives favorisant une meilleure répartition des praticiens dans le but de corriger les déséquilibres territoriaux dans l’accès aux soins dentaires.

Il s’agit d’un choix responsable destiné à favoriser les territoires où les besoins sont les plus criants, notamment ceux marqués par une forte prévalence des maladies chroniques et un niveau social défavorisé. C’est un pas essentiel pour garantir une meilleure répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire français.

Quelles sont les récentes innovations majeures en chirurgie-dentaire et comment voyez-vous l’évolution du métier dans les deux années à venir ?

Il est évident que le numérique révolutionne chaque aspect de la pratique dentaire. Parmi les avancées les plus spectaculaires, la prise d’empreintes, qui se fait désormais par caméra numérique, a transformé la réalisation de prothèses dentaires avec des résultats spectaculaires en termes de qualité et de process de fabrication. 

Mais il n’y a pas que les innovations numériques. Les évolutions sont remarquables également d’un point de vue humain car le quotidien du chirurgien-dentiste change. Le praticien n’exerce plus de façon isolée, sa pratique repose de plus en plus sur une approche « d’équipe dentaire », avec des assistants dentaires qui jouent un rôle crucial dans la prise en charge des patients et l’émergence prochaine du métier d’assistant dentaire de niveau 2 qui pourra contribuer par délégations de tâches à certains actes. Cette évolution reste en partie bloquée par des incertitudes législatives, notamment inhérentes à la loi Rist qui nécessite un nouveau cadre juridique. La profession évolue donc autour d’une double dynamique qui se révèle essentielle pour répondre aux besoins des Français en matière de soins dentaires : un plateau technique de pointe et une approche collective du métier, centrée sur le patient.

Les jeunes diplômés sont-ils suffisamment attirés par l'exercice libéral ? Que faudrait-il améliorer ?

Les débuts en exercice libéral peuvent être compliqués pour les jeunes et en particulier pour les chirurgiens-dentistes, notamment en raison de charges particulièrement élevées liées aux plateaux techniques. Par ailleurs, les dispositions en vigueur pour la couverture du risque maternité sont très clairement insuffisantes. Or les nouvelles promotions qui entrent dans la profession comptent aujourd’hui jusqu’à 80 % de femmes ! C’est notre cheval de bataille, et nous sommes fiers d’avoir mené un combat sur tous les fronts. Nous avons agi à plusieurs niveaux. D’abord, nous réclamons une habilitation législative afin de pouvoir négocier, par voie conventionnelle avec l’Assurance Maladie, des indemnités journalières de maternité, à l’instar de celles mises en place pour les médecins. Nous poursuivons nos démarches auprès des parlementaires et des nouvelles équipes gouvernementales pour obtenir gain de cause. Ensuite, nous avons collaboré avec la caisse de retraite des chirurgiens-dentistes, qui a mis en place une dotation spécifique pour couvrir la période de maternité. C’est acté et nous nous réjouissons de cette avancée significative. Enfin, nous travaillons avec nos partenaires assureurs pour proposer des couvertures adaptées, permettant de prendre en charge les frais fixes d’un cabinet dentaire pendant un congé maternité. L’attractivité du secteur libéral doit rester une priorité, avec des conditions adaptées aux réalités de notre profession.

Quel message souhaitez-vous adresser aux chirurgiens-dentistes en ce début d’année ?

J’aimerais rappeler aux jeunes praticiens le rôle essentiel qu’ils jouent dans notre système de santé. Il n’y a pas de bonne santé générale sans santé bucco-dentaire ! Les chirurgiens-dentistes sont des sentinelles de la santé, souvent en première ligne sur des enjeux dépassant largement le cadre des soins dentaires. Nous avons la chance d’exercer un métier passionnant, qui évolue à grande vitesse grâce aux innovations technologiques. C’est une profession dont il faut être fier et dont l’importance, en particulier pour les libéraux, est cruciale dans le maillage territorial. Ils sont les seuls à relever ce défi, qui constitue une véritable mission de santé publique. En 2025, comme chaque année, nous continuerons à nous battre pour améliorer les conditions d’exercice des praticiens et les soutenir dans ce métier si essentiel à la santé de nos concitoyens.

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