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“Le point commun entre les professionnels libéraux, ce sont les logiques, les questionnements qui les animent face aux évolutions de la société.”

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“Le point commun entre les professionnels libéraux, ce sont les logiques, les questionnements qui les animent face aux évolutions de la société.”
“Le point commun entre les professionnels libéraux, ce sont les logiques, les questionnements qui les animent face aux évolutions de la société.”

À l’occasion de notre premier numéro, Arnaud Loubier, président du directoire d’Interfimo, et Olivier Mercier, directeur général, partagent avec nous les enseignements et les convictions qu’ils ont acquis depuis de nombreuses années auprès des professionnels libéraux. Retours d’expériences, analyses du présent et interrogations sur l’avenir, nos deux experts livrent leurs réflexions dans ce regard croisé inédit.

Interfimo accompagne les professions libérales depuis plus de 50 ans. Professionnels de la santé, du droit, du chiffre ou de la technique : les problématiques sont-elles en partie communes à tous ces métiers ?

Arnaud Loubier : Chaque métier a ses spécificités. Le point commun aujourd’hui, ce sont les logiques, les questionnements qui animent ces professionnels face aux évolutions de la société dans laquelle ils s’inscrivent en raison de la mission de service aux citoyens qu’ils partagent tous.

En réalité, leurs questionnements sont proches du monde des PME : comment se structurer pour faire face aux défis sociétaux ? Comment attirer de nouveaux talents ? Comment intégrer les avancées technologiques ? Peu importe le secteur, ces questions deviennent centrales et, à mon sens, très similaires pour des métiers aux identités si différentes. Après, c’est l’intensité qui varie selon les professions : certaines se sentent plus menacées que d’autres.

Olivier Mercier : En effet, je dirais qu’il existe trois grands défis posés aux professions libérales : le défi humain, le défi technologique et le défi organisationnel. Pour le défi humain, c’est simple : les attentes ne sont plus les mêmes. Nous y reviendrons, mais l’important est que le modèle libéral puisse évoluer pour rester attractif auprès de jeunes talents.

En ce qui concerne les défis technologiques et organisationnels, je dirais qu’ils se recoupent avec l’avancée de la recherche et l’évolution de la concurrence. Par exemple, que vous soyez un professionnel de la biologie ou de l’expertise-comptable, vous devez faire face aujourd’hui à de grands groupes qui sont capables d’investir massivement et d’intégrer de l’intelligence approfondie ou des outils collaboratifs dans leurs offres de services, comme la blockchain. On assiste à une vraie remise en cause de monopoles qui continuent à exister en droit, mais qui sont de plus en plus menacés en fait.

Bien que mieux équipés, ces grands groupes n’ont pourtant pas la même proximité avec la population, n’est-ce pas un atout pour les professionnels libéraux ?

A.L : Tout dépend de votre définition de la proximité. La e-santé par exemple, avec l’adoption de téléconsultations, de plateformes collaboratives et d’objets connectés, renforce la proximité du praticien avec le patient. Idem en ce qui concerne les legal tech dans le domaine juridique. L’adoption d’outils digitaux peut donc être un facteur de proximité et doit faire partie des investissements à venir pour les professionnels libéraux, quelle que soit leur échelle.

Maintenant, si vous avez le malheur d’avoir un abcès dentaire en plein mois d’août dans une région isolée, la téléconsultation ne risque pas de vous être très utile ! Vous devez avoir un praticien prêt à vous recevoir, dans un rayon géographique raisonnable. La diversité des modes d’exercice doit permettre la continuité de soins et de services sur tout le territoire.

O.M : Je partage totalement et j’ajouterais que cette prise de conscience des autorités publiques s’est grandement renforcée pendant la crise sanitaire. Alors que « certains » annonçaient la fermeture prochaine de 6 000 à 7 000 pharmacies, chacun a pu mesurer l’utilité, vitale, du maillage des 21 000 pharmacies françaises dans la mise en œuvre du dépistage de masse et de la vaccination.

Assurer ce maillage, c’est aussi assurer le renouvellement des générations. Comment favoriser la transmission entre des professionnels aux aspirations très différentes ?

O.M : Au-delà de la transmission, c’est l’attractivité du modèle libéral qui est en jeu. Les attentes ne sont plus les mêmes, c’est une évidence. Les cabinets isolés, les gardes de nuit, les 72 heures d’affilées, ces contraintes ne sont plus autant acceptées par la nouvelle génération. Les jeunes veulent pouvoir breaker à tout moment, tout en gardant une certaine flexibilité entre activité libérale « traditionnelle » et activités plus prospectives ou de recherche.

Ceci dit, s’il existe des tendances communes, il faut faire attention aux généralités : chaque professionnel a des attentes différentes selon son métier, son lieu d’exercice, son projet, etc. D’où l’importance stratégique des études de terrain que nous menons auprès de nos différents bureaux régionaux et qui permettent d’affiner notre profilage, au-delà des grandes tendances. Ces données vont devenir de plus en plus précieuses pour favoriser la transmission à l’échelle micro-économique, de professionnel à professionnel.

A.L : Il est vrai que nous avons un rôle croissant à jouer dans la mise en relation entre les sortants et les entrants. Au-delà de son activité de crédit, Interfimo est aussi producteur de données, comme l’a précisé Olivier. Avec la démocratisation des plateformes de mise en relation, nous pouvons imaginer de nouveaux écosystèmes digitaux, utiles aussi bien pour les cédants et les repreneurs que pour les investisseurs et les usagers.

Outre les conséquences financières colossales, la crise sanitaire a également profondément bouleversé l’organisation du travail. Quels vont être, selon vous, les effets à long-terme sur les professions libérales ?

A.L : Contrairement à ce qu’on aurait pu craindre en mars-avril 2020, on est aujourd’hui face à « un mur de projets ». La crise a clairement été un déclencheur dans la mise en place de nouvelles organisations intégrant le télétravail et, in fine, les équipements nécessaires à son application. Ce constat s’applique surtout pour les professionnels du conseil (juridique et du chiffre), moins pour ceux de la santé, où la dématérialisation a des effets plus limités. Je retiendrais tout de même une certaine démocratisation de la téléconsultation pour les médecins généralistes et l’installation des télécabines pour les pharmaciens. Il y a donc eu des investissements importants durant cette période, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer. Et parallèlement, nous avons constaté une accélération des rapprochements, associations, pour se renforcer collectivement : l’union fait la force !

O.M : Je reviens sur la santé. Ce qui m’a marqué, c’est la capacité des acteurs de la santé à se parler et à s’entendre. Des directeurs de cliniques privées et des directeurs d’hôpitaux ont su mettre à disposition leur salle de réanimation ou reprendre des opérations déprogrammées. Le monde de la santé, soi-disant cloisonné entre la médecine de ville et l’hôpital, a su travailler de concert. Je ne dis pas que ce clivage va disparaître, mais cet épisode va favoriser la coopération. Notamment dans le cadre des soins ambulatoires, du vieillissement de la population et de l’extension des pathologies chroniques. Cela se voit dans certains des projets récents qui nous sont soumis sur des maisons pluridisciplinaires de santé à haute intensité : on y trouve des services d’urgence, des boxes à disposition des médecins hospitaliers, et plusieurs aménagements qui visent à recentrer l’hôpital sur ses missions premières.

Pour conclure : un mot pour qualifier le professionnel libéral de 2040 ?

A.L : Hybride ! Dans son statut, dans ses activités, par rapport à son équipement. Je pense vraiment que l’on se dirige vers un cadre d’exercice libéral beaucoup plus flexible qu’auparavant, pour répondre aux attentes des jeunes praticiens ou experts, mais aussi des usagers.

O.M : Je complèterais par une question : entrepreneur ou spécialiste ? Je pense surtout aux professions libérales à plateaux techniques : vais-je garder la main sur les aspects techniques, managériaux, capitalistiques de mon activité, ou, vais-je purement me concentrer sur mon « art », quitte à déléguer le reste à un tiers ? Nous pourrons en rediscuter mais j’ai l’intime conviction que l’identité des professions libérales va profondément évoluer dans les années à venir. 
 

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