Le choix de la SPE pour sceller la relation privilégiée entre avocats et conseils en propriété intellectuelle (CPI)
Dans le domaine complexe de la propriété intellectuelle, expertise technique pointue et analyse juridique approfondie font bon ménage. Parmi les avocats et CPI qui collaborent, certains ont choisi de s’unir, souvent pour le meilleur.
Merci à Caroline Casalonga, managing Partner du cabinet Casalonga et à Gaëlle Loinger-Benamran, associée co-fondatrice de TAoMA Partners, de nous avoir partagé leur vision enthousiaste de l’interprofessionnalité.
Les avocats et les conseils en propriété intellectuelle sont habitués à travailler en étroite collaboration, souvent au cas par cas, suivant les besoins et sans structure juridique dédiée. Car pour certains, malgré la complémentarité des deux professions, les différences culturelles, d’organisation et d’approche des dossiers ou encore, les conflits d’intérêts potentiels, représentent des obstacles de taille qu’ils ne souhaitent pas franchir. Pour d’autres, en revanche, passer le cap de la structuration juridique est vécu comme un tremplin puissant, autant pour le fonctionnement interne du cabinet que pour les clients qui en bénéficient.
Franchir le pas
Ceux qui choisissent de franchir le pas, pourquoi le font-ils ? Dans le cabinet Casalonga, l’interprofessionnalité est une affaire de famille depuis bientôt 20 ans. La constitution d’une SPE en 2018 a été tout naturellement l’opportunité de consacrer un jumelage ayant déjà largement fait ses preuves : celui du cabinet en propriété intellectuelle créé il y a 160 ans par Dominique Antoine Casalonga (et perpétué par ses fils) et du cabinet d’avocat né en 2005 sous la direction de son arrière-arrière-petite-fille, Caroline. « Dès la création du cabinet d’avocat, notre ambition était celle de l’interprofessionnalité. Avocats et CPI travaillaient ensemble, d’un côté et de l’autre de l’avenue Persier à Paris. Quand la loi nous a permis de créer une SPE nous étions donc prêts depuis longtemps ce qui explique que nous ayons été la première SPE avocats/CPI en France. La fusion officielle a eu lieu en 2018 et depuis, tout le monde est réuni dans les mêmes locaux », raconte Caroline Casalonga, managing Partner du cabinet Casalonga.
Chez TAoMA Partners, la question du passage en SPE a suscité davantage de questionnements, sur les risques potentiels de conflit d’intérêts mais aussi sur l’implication en termes de business, en se privant d’autres cabinets apporteurs d’affaires. « Se marier sous le régime de la SPE, c’était renoncer à certains apports de clients », explique Gaëlle Loinger-Benamran, associée co-fondatrice de TAoMA Partners, « mais nous avons finalement opté pour une approche exclusivement positive, c’est-à-dire penser à ce qu’on allait sûrement y gagner et non pas à ce qu’on allait peut-être y perdre... Évidemment, aucun regret ! »
Être aussi fort en procédure qu’en technique
Les professions d’avocat et de CPI, dont le projet de fusion a été définitivement enterré en 2010, sont extrêmement complémentaires. Si le CPI apporte à l’avocat sa vision technique de la problématique, sur les brevets, les marques, les dessins et modèles industriels, ainsi que sa compréhension approfondie des procédures d'enregistrement, l’avocat apporte sa connaissance pointue du droit, des pratiques contractuelles et des négociations ainsi que son expertise en contentieux. Avec la constitution d’une SPE, l’expertise technique rejoint quotidiennement et durablement l’expertise juridique pour une synergie vertueuse.
Les deux cabinets qui ont été réunis en créant TAoMA Partners travaillaient ensemble depuis plus de dix ans avec des dossiers communs en dépôts de marques, sur des litiges à l’étranger et en contentieux. « On entrevoyait que le fait de travailler ensemble permettrait d’aller plus loin dans la synergie et dans l’émulation » explique Gaëlle Loinger-Benamran. « Être dans les mêmes lieux et pouvoir travailler physiquement main dans la main se révèle très productif. On se complète très bien car nous, CPI, connaissons moins bien la procédure judiciaire mais peut-être mieux le contentieux administratif et ce qui se passe à l’étranger. »
Même constat pour Caroline Casalonga, pour qui le fait d’être un seul et unique cabinet présente un atout précieux, celui de la cohérence. « Je me souviens d’une réunion de préparation commune avec d’autres cabinets sur un même dossier en défense de brevet. Avec le CPI qui m’accompagnait, nous avons l’habitude de travailler ensemble et avions préparé le rendez-vous de concert. Nous avions une réelle fluidité et une cohérence très forte dans les échanges. Cette réunion montrait à quel point une équipe de CPI et d’avocats travaillant dans une même structure est plus agile que les autres et apporte un plus à ses clients, tant en stratégie judiciaire qu’en analyse et arguments sur la validité du brevet et la contrefaçon. »
Un coup d’avance, au bénéfice du client
L’interprofessionnalité vise notamment à répondre efficacement aux problématiques diversifiées et parfois complexes de certains dossiers. L’approche permettant au client de disposer de plusieurs ressources en un seul lieu lui donne l’opportunité d’un gain d’efficience dans l’élaboration de sa stratégie. Une évidence, pour Gaëlle Loinger-Benamran, qui constate, la valeur, pour le client, d’une réflexion pluridisciplinaire : « allier les compétences de deux professions permet d’aller très loin dans la stratégie et d’avoir des coups d’avance. Cette réflexion à plusieurs expertises a beaucoup de valeur pour nos clients, en plus d’être intellectuellement très satisfaisante pour nous ».
La complémentarité entre avocats et CPI offre ainsi au client une expertise exhaustive et intégrée. Les avocats et les CPI travaillent de concert pour élaborer des stratégies légales et techniques qui, non seulement, garantissent la protection adéquate des droits de propriété intellectuelle du client, mais permettent aussi d’anticiper et de résoudre les défis potentiels qui pourraient survenir. « Nos clients sont de plus en plus nombreux à faire appel à nous en raison de cette collaboration synergique entre CPI et avocats, qui favorise des solutions et stratégies innovantes. Une équipe pluridisciplinaire apporte des solutions souvent novatrices et assure une défense et une protection solide notamment sur des dossiers complexes » confirme Caroline Casalonga.
L’interprofessionnalité se cultive
Si les métiers de CPI et d’avocat son éminemment complémentaires, le fait de travailler ensemble ne relève pas toujours de l’évidence. Conscients de l’importance de faciliter une interaction naturelle, le cabinet Casalonga a choisi de mixer ses équipes. CPI et Avocats partagent les mêmes bureaux, ce qui permet à l’avocat de solliciter en direct la vision de l’ingénieur et vice-versa. « Les équipes d’avocats et de CPI travaillent ensemble sur les contentieux brevets, mais il est essentiel de cultiver les interactions. Nous réunissons les équipes autour de points de jurisprudence. La nouvelle juridiction unifiée des brevets (JUB) a été l’occasion de réflexions et analyses communes particulièrement enrichissantes entre CPI et avocats » précise Caroline Casalonga. Conscients de l’importance de cultiver l’interprofessionnalité, les cabinets veillent ainsi à organiser des interactions « officielles » dans lesquelles chacun peut se nourrir de l’expertise de l’autre. « Au sein du cabinet, nous sommes tous montés en compétence grâce à notre implication transversale sur les dossiers avec notamment l’organisation d’ateliers sur des sujets transversaux. Ces échanges réguliers nous permettent d’être plus créatifs dans ce que nous proposons ensuite à nos clients » analyse Gaëlle Loinger-Benamran.
L’équilibre, maître mot
Une fois passées les contraintes d’organisation matérielle et déontologique, la SPE est appréciée comme un modèle puissant par ceux qui l’ont testé. « C’est extrêmement efficace, de parler d’une seule voix et de pouvoir interagir sur les dossiers » explique Gaëlle Loinger-Benamran. « Intendance, logistique, réflexion juridique, toutes les barrières sautent et l’on partage tout, de façon la plus équilibrée possible, en respectant l’indépendance de chacun et le secret professionnel évidemment, lorsqu’il n’est pas levé par le client ». L’équilibre est en effet le principal défi selon Caroline Casalonga : « La notion d’ego est forte chez les professions libérales. La réussite d’une SPE tient à l’équilibre entre les deux professions à tout point de vue, que ce soit en termes d’organisation, de rémunération, de représentativité, etc. Quand cet équilibre et trouvé, le cadre juridique de la SPE offre un réel enrichissement des compétences aux professionnels, une vraie force pour les clients et, pour les jeunes recrues, des perspectives stimulantes ».