L’IA, on parle de quoi, on en est où ?
L’intelligence artificielle, est-ce qu’on en parle assez ? Peut-être, mais OnLib’Infos vous propose d’en parler davantage ! Au cœur de l'évolution des métiers et face à des changements profonds des pratiques quotidiennes, l'IA s'impose comme LE sujet incontournable pour de nombreux professionnels. Quelles sont les perspectives pour chaque profession ? Comment chacun s’approprie-t-il l’IA ? Quels sont les enjeux, les espoirs et les craintes pour l’avenir ?
Pour démarrer cette série de « Regards » mensuels sur l’intelligence artificielle, nous avons interrogé Mathieu Bouillon, président de HYPTECH et consultant en innovation juridique, pour un tour d’horizon de la révolution IA.
Quels sont les trois mots qui vous viennent à l’esprit en premier au sujet de l’intelligence artificielle ?
Raz de marée tout d’abord ! ChatGPT nous a vraiment pris par surprise. Netflix a mis 18 ans pour arriver à 100 millions d’utilisateurs. Twitter 5 ans et Tick Tok 9 mois. Il a fallu 2 mois à ChatGPT !
Probabilités. Devant la « perspicacité » des réponses de ChatGPT et une possible impression « d’empathie » de la machine, les utilisateurs sont parfois perplexes. Non, ChatGPT ne fait pas de raisonnement, ne fait pas non plus de littérature et ne comprend pas ce qu’il écrit. Derrière chaque réponse de ChatGPT, aucun ressenti humain, aucune pensée, mais un assemblage de données suivant des règles de statistiques et de probabilités.
Béquille. L’IA va-t-elle remplacer le professionnel ? Je ne le crois pas, en tout cas pas tout de suite... L’IA reste une béquille, pas une alternative à l’humain... En revanche, ceux qui vont s’emparer de l’IA dans leur travail et qui le maitriseront bien vont prendre la place des autres !
Adopter l’intelligence artificielle dans son travail n’est pas toujours une évidence pour des professionnels qui ont toujours travaillé sans...
Le plus difficile est sans doute de faire le premier pas pour arriver à apprivoiser l’IA et en tirer un minimum de profit. De nombreuses formations existent désormais. Beaucoup ressentent une appréhension sans réaliser que l’IA pourrait leur simplifier de nombreuses tâches et leur faire gagner un temps précieux. Mon conseil ? Se lancer, trouver un bon cas d’usage pour tester... Le plus dur est de monter la première marche et elle n’est pas si haute...
Quelles sont, selon vous, les professions libérales qui ont été les plus réactives sur le virage de l’intelligence artificielle ?
En schématisant un peu, je classerais les professionnels libéraux en trois catégories dans leur rapport à l’IA : dans la première catégorie, constituée de ceux qui se sont outillés depuis les premiers jours, je mettrais les experts-comptables et les architectes. Dans la deuxième catégorie, je mettrais ceux qui malgré leurs réticences de départ, ont su réaliser les enjeux et se sont résolus à prendre la vague. Je pense aux professions juridiques, avocats et notaires notamment. La troisième catégorie compte à mon sens beaucoup de professionnels de santé qui me semblent dur à convaincre sur l’aide que peut leur apporter l’intelligence artificielle. La nature de la matière, plus proche de l’humain, joue probablement dans cette perception, alors qu’il existe beaucoup de domaines dans lesquels l’IA peut tirer son épingle du jeu, comme l’aide au diagnostic ou le suivi de prescription, pour ne citer que ces deux exemples. Je mets à part tous les spécialistes comme les radiologues ou les professions à plateaux techniques qui travaillent déjà avec des machines assez sophistiquées et pour lesquels l’IA représente la modernisation intrinsèque de leur outil de travail.
Quels sont les cas d’usage qui vous semblent les plus significatifs d’une utilisation réussie de l'IA ?
Aux professionnels du droit tout d’abord, l’intelligence artificielle offre des outils puissants sur tout ce qui est veille juridique, aide à la rédaction de conclusions, de contrats, etc. L’automatisation des taches est également un cas d’usage significatif pour les experts-comptables par exemple, qui ont su adopter très tôt la saisie automatique des données comptables, l’automatisation de la collecte avec à la clé une amélioration de l'efficacité du processus de comptabilité et un gain de temps considérable sur les tâches récurrentes. Dans le domaine de la santé, je dirais que les pharmaciens se sont appropriés des outils d’intelligence artificielle pour améliorer leur gestion des stocks, leurs relations avec les organismes d’assurance maladie et le suivi des prescriptions.
Dans d’autres métiers, l’IA révèle peu à peu son potentiel en termes d’aide à la décision. Le bon diagnostic, le bon traitement : ces éléments qui relevaient du domaine de compétence exclusif du médecin devient une expertise partagée entre les intelligence humaine et artificielle. La validation définitive est celle de l’humain mais nous ne savons pas encore jusqu’où va aller la performance de l’IA dans ce domaine.
Évolution des rôles, métiers en voie de disparition, nouveaux profils ? Quels impacts de l’IA sur l’emploi peut-on déjà observer ?
De la même façon que le spécialiste en automobile a remplacé le maréchal-ferrant, les apôtres de la technologie aiment à vanter l’opportunité de création de nouveaux métiers grâce à l’IA... Oui, l’IA va faire émerger de nouveaux profils et de nouveaux métiers. Mais d’autres vont inévitablement disparaitre. Et la place des juniors ne va pas être facile. On voit déjà que les cabinets de conseil ou d’avocats revoient leur organisation car certaines tâches attribuées à des juniors peuvent désormais être confiées à l’IA.
Est-ce que l’intelligence humaine va longtemps pouvoir maitriser l’intelligence artificielle ?
« Si l'intelligence artificielle est capable de m'imiter, c'est que je suis le problème – pas l'ordinateur ». Je cite souvent cette phrase d’Alexandre Astier, acteur et réalisateur de Kamelott, qui s’est beaucoup exprimé sur l’IA à l’occasion de la sortie son court métrage Imagine conçu à l'aide d'une IA de création d'image. Cette phrase souligne indirectement l’importance de la maitrise de l’homme sur la machine, l'importance de la gouvernance dans l'utilisation de l'IA. Elle invite à une réflexion sur la manière dont nous devons contrôler, réguler et utiliser cette technologie pour éviter que l'IA ne devienne un reflet amplifié des pires aspects de la nature humaine. Le premier règlement sur l’intelligence artificielle a été validé à l’unanimité par les États membres de l'Union européenne et publié le 12 juillet dernier au Journal officiel de l’Union européenne. Il s’appliquera de façon échelonnée à compter du 2 février 2025.