Expertise comptable : une stabilité dynamique !
Publiée en octobre 2021, l’étude réalisée par Interfimo sur les prix de cession de plus de 100 cabinets d’expertise comptable est l’occasion de revenir sur les grandes tendances d’un marché resté dynamique malgré la crise et l’évolution des critères de valorisation.
Avec les analyses de Yannick Ollivier, président de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) et André-Paul Bahuon, directeur général chez JEGARD CREATIS et président de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF)
Stabilité vs dispersion
Premier constat de cette étude réalisée par Interfimo : une stabilité du prix de cession des cabinets d’expertise comptable qui s’établit à 86 % du chiffres d’affaires en 2020, soit un point de moins seulement par rapport à la dernière étude Interfimo réalisée en 2018 sur ce même marché. Au terme de deux années de crise sanitaire, le constat est donc plutôt rassurant et « indique que malgré le contexte sanitaire, les effets de la loi Pacte et la transformation digitale du secteur, les niveaux de valorisation et le dynamisme de la profession se maintiennent » explique Blandine Pisaneschi, Responsable Valorisation chez Interfimo. En effet, si la loi Pacte du 22 mai 2019 qui a relevé les seuils d’audit légal du commissariat aux comptes, a sans doute causé un ralentissement des opérations, « elle n’a pas découragé les jeunes générations et n’a pas modifié fondamentalement les tarifications de reprises » confirme Yannick Ollivier.
L’étude note en revanche un niveau de dispersion élevé, avec 60 % des transactions s’inscrivant dans une fourchette de 67 à 103 % contre 73 à 100 % trois ans auparavant. C’est en Île-de-France, où la moyenne des prix de cession est la plus basse (82 %) et la dispersion la plus importante, en raison notamment de la grande diversité des cabinets.
Qui cède le plus et pourquoi ?
Une grande majorité des opérations de cession concernent des personnes qui s'interrogent sur leur sortie avec plus de 50 % de cédants en phase de départ en retraite, dont 33 % en départ immédiats et 19 % en départ progressif. “De plus en plus de professionnels anticipent leurs projets de cession pour gérer leur sortie en amont mais surtout pour exercer leurs dernières années d’activité dans un groupe plus structuré avec des outils et des moyens” constate Yannick Ollivier. Le chiffre de l’étude, en baisse de 10 points par rapport à l’étude d’Interfimo réalisée en 2018, s’explique notamment par l’augmentation du nombre d’associations et donc de cédants qui restent dans la structure. En effet, compte tenu de la concentration du marché, les cessions de parts ont pris le pas sur les cessions de fonds.
Les critères économiques font bouger les lignes
La taille du cabinet a-t-elle un impact sur sa valorisation ? La réponse est non, selon l’étude d’Interfimo qui constate que c'est davantage la qualité de la clientèle (atomisation, diversification, pérennité) qui la valorise. « Il y a une réelle concurrence entre les acheteurs et on constate que le renforcement de clientèle, l’effet de seuil sur un territoire donné et l’opportunité de renforcer son positionnement sont désormais des éléments très forts de la valorisation d’un cabinet » constate Yannick Ollivier.
Si le coefficient de chiffre d’affaires demeure la référence psychologique du marché, les critères économiques font aujourd’hui bouger les lignes. « Dans un rapprochement de cabinet, la tenue du bilan, la rentabilité, les engagements financiers et les investissements réalisés dans le cabinet sont autant d’éléments qui sont pris en compte dans son évaluation » confirme André-Paul Bahuon. C’est ainsi qu’un cabinet de petite taille peut espérer se valoriser mieux qu’une structure plus importante, au regard du renouvellement de ses investissements et de sa technologie.
Se rapprocher des cabinets “attracteurs”
L’étude d’Interfimo le rappelle : le marché de l’expertise comptable a été précurseur en matière de concentration et la tendance se poursuit, motivée principalement aujourd’hui par la nécessité des plus petites structures de pouvoir répondre aux évolutions des besoins des clients. Beaucoup de cabinets ont investi massivement dans la technologie et dans la formation et sont devenus des cabinets “attracteurs” selon le néologisme employé par André-Paul Bahuon. « Il s’agit de cabinets qui sont à la fois acteurs, moteurs et attractifs : les formes de travaux en commun, et la puissance de tir en matière de technologie, de formation, de gestion RH ou encore de positionnement sur les marchés, donnent du sens à ceux qui sont confrontés, en étant plus petits, à toutes ces problématiques sans pouvoir les résoudre » poursuit André-Paul Bahuon. Se rapprocher de cabinets très structurés est une stratégie de développement assumée par certains cabinets pour pouvoir conserver leur clientèle en offrant un panel de services le plus complet possible.
Le full digital, une menace ?
La crise sanitaire a eu deux effets presque concomitants sur la profession : tout d’abord l’accélération d’une digitalisation, déjà très avancée dans la profession, mais rendue incontournable par le confinement. Ensuite, une prise de conscience, celle de la valeur ajoutée de l’expert-comptable, fortement sollicitée durant ces deux dernières années. Mise en place des dossiers de PGE, déploiement du chômage partiel, explications sur les mesures gouvernementales… « Les clients ont compris la valeur du conseil, cette intelligence « ajoutée » dont l’intelligence artificielle ne peut pas se passer ! » explique André-Paul Bahuon pour qui le « full digital » des branches compta tech ne constitue pas une menace pour le marché traditionnel qui bénéficie à la fois d’outils digitaux performants et de cette intelligence « ajoutée », essentielle au métier d’expert et au lien de proximité avec les clients.
La stabilité du marché constatée par l’étude d’Interfimo reflète le dynamisme d’une profession qui a su s’adapter. Cette stabilité a toujours existé, analyse André-Paul Bahuon, « elle est une pente naturelle de l’activité des cabinets d’expertise comptable ». Constat partagé par Yannick Ollivier pour qui « la stabilité des prix constatée dans l’étude s’explique par un dynamisme continu de la profession qui a toujours su s’adapter aux contextes de crise et aux évolutions des besoins du client ». Paroles d’experts.