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CPTS : « prendre son temps pour ne pas rater la marche »

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CPTS : « prendre son temps pour ne pas rater la marche »
CPTS : « prendre son temps pour ne pas rater la marche »

Créées en 2016 pour répondre de manière concertée et efficace aux besoins de santé de la population sur un territoire, les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) continuent à se développer activement dans toute la France. Quel impact sur la prise en charge des patients et sur l’activité des professionnels ? Quelles conditions à la réussite de ces structures ? OnLib’Infos a rencontré le docteur Marie-Hélène Certain, fondatrice d’une CPTS dans les Yvelines et commissionnée pour le « Tour de France des CPTS » en 2023.

À quels besoins les CPTS répondent-elles concrètement ?

L’objectif des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé est de créer un collectif de professionnels de santé sur un territoire, adapté en taille et en besoins, afin de mieux répondre aux besoins de santé de la population, quel que soit le mode d’exercice de chacun. Historiquement, en matière de soins de santé, le modèle de santé français est un modèle libéral, principalement en exercice individuel et de nombreux professionnels exercent encore seuls aujourd’hui. Face à l’évolution des problématiques de santé comme les maladies chroniques, le vieillissement de la population, la santé mentale, le handicap, etc., il est de plus en plus difficile pour un professionnel d’exercer isolément. Il y environ dix ans, les observations du Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie (HCAAM) ont été entendues et intégrées par le législateur dans la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016. Avec les missions suivantes : faciliter l’accès aux soins, mettre en place des parcours pour renforcer la prise en charge et le suivi des patients, initier des actions territoriales de prévention, de dépistage, de promotion de la santé en fonction des besoins du territoire, favoriser l’échange de bonnes pratiques médicales et soignantes, accompagner les professionnels de santé sur leur territoire et participer à la réponse aux crises sanitaires par un plan d’action adapté.

Comment se développent-elles aujourd’hui ?

Il y a un engouement pour ce modèle organisationnel, qui a été amplifié par la crise sanitaire de 2020. Les CPTS, encore naissantes à l'époque, ont permis de prendre en main des projets communs, comme la mise en place de centres de vaccination et la coordination avec l’ARS (Agence Régionale de Santé). La crise du Covid-19 en a accéléré la compréhension et l'adoption, révélant ainsi un maillon manquant dans le système de santé. Les CPTS se positionnent désormais comme des interlocuteurs privilégiés des autorités sanitaires, des hôpitaux et des structures de soins primaires, en fonction des besoins de chaque territoire. Elles peuvent désormais bénéficier d’un financement conventionnel pérenne prévu par l’Accord Conventionnel Interprofessionnel (ACI) en faveur du développement de l’exercice coordonné et du déploiement des CPTS (ACI-CPTS). Environ 600 CPTS ont signé leur ACI aujourd’hui.

À quoi correspond le territoire d’une CPST ?

La CPTS est un territoire au sens « bassin de vie », qui répond à des besoins communs des professionnels et de la population. Il y a 4 tailles de CPTS en fonction du nombre d’habitants. Chaque commune doit être sur une seule CPTS. L’ARS valide le projet de santé de la CPTS et le territoire. Pour vous donner un exemple, le département des Yvelines avec ses 1,6 million d’habitants, comptera, à terme, 13 CPTS.

Comment s’organise la collaboration entre les différents professionnels de santé ?

Soigner reste bien entendu le cœur de métier des professionnels de santé. Pour accompagner la mise en place des actions, des fonctions supports sont nécessaires : coordinatrices, assistantes, gestionnaires de projets, etc. La Fédération des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (FCPTS) représente les CPTS auprès des ministères, de la CNAM, etc. Sur le plan local, les CPTS conservent leur autonomie de représentation, c’est important. Parfois il est possible de mutualiser les actions entre CPTS qui ont des objectifs communs. Sur le nord Yvelines, par exemple, plusieurs CPTS partagent et mutualisent les projets et les outils avec le GHT.

Quel impact l’instauration des CPTS a-t-elle sur l'amélioration des soins aux patients ?

Pour assurer une couverture efficace et complète, nous devons répondre aux attentes et aux besoins croissants de la population. Sur ce plan, les CPTS jouent un rôle crucial en optimisant l'utilisation des ressources et en améliorant la coordination des soins sur le territoire, en fonction des besoins spécifiques. De manière optimale, la gradation des soins s’organise en trois niveaux : soins primaires (médecins généralistes et professionnels de santé de l’ambulatoire), soins secondaires (soins spécialisés) et soins tertiaires (soins hospitaliers et/ou établissements). Aujourd'hui, nous faisons face à la difficulté d'organiser et de réguler efficacement ce système tout en luttant contre une tendance à la dérégulation, où chaque professionnel concerné agirait de manière individuelle. Concrètement par exemple, pour les personnes âgées en perte d’autonomie, l'objectif est d'éviter le passage systématique par les urgences en favorisant des avis semi-urgents ou des hospitalisations programmées. Un autre exemple est celui du parcours du patient diabétique, où l'enjeu est de garantir un parcours de soins approprié et coordonné par les différents professionnels de santé concernés.

Les premiers résultats montrent une structuration améliorée des soins et un accès facilité à un médecin traitant. Bien que l'organisation des CPTS soit encore jeune, les progrès sont visibles, notamment sur la coopération entre les professionnels et grâce aussi aux relations entre les CPTS et les Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM).

Et les professionnels, que retirent-ils principalement de leur implication dans cette organisation ?

Les CPTS offrent un cadre autour d’un collectif de professionnels qui ont les mêmes objectifs d’amélioration de la santé publique. Cette dynamique est particulièrement bénéfique pour certaines catégories de praticiens libéraux particulièrement isolés dans leur pratique, comme les orthophonistes par exemple. En favorisant les rencontres et les échanges, les CPTS encouragent la connaissance mutuelle des métiers et l'envie de travailler ensemble sur des projets communs. Et rompent l’isolement parfois ressenti par les praticiens.

Les CPTS facilitent le dialogue entre professionnels de santé et acteurs locaux et renforcent les liens entre la médecine de ville et l'hôpital. Les autorités sanitaires et les collectivités locales apprécient cette organisation qui offre une fluidité des relations et du dialogue entre des mondes souvent disjoints.

Quels sont les principaux obstacles que rencontrent les CPTS dans leur développement ?

Les obstacles viennent le plus souvent de l’extérieur avec un écueil, celui de vouloir aller trop vite.... D’exiger des résultats avant même d’avoir tout mis en place correctement, de mettre la barre trop haut et de se disperser dans des projets multiples. Prendre son temps permet de ne pas rater la marche… Par ailleurs, les CPTS ne peuvent pas répondre à tous les problèmes de notre système de santé ! Par exemple, une des grosses problématiques aujourd’hui est celle de l’offre de soin. On nous dit qu’il faut viser zéro patient sans médecins traitant, mais les CPTS ne peuvent pas fabriquer les bras… ! Il faut hiérarchiser et travailler sur des projets qui répondent aux besoins identifiés par les professionnels pour trouver le juste milieu entre ce qui est important en termes de santé publique et ce que les professionnels ont envie de faire. C’est une alchimie délicate...

Qu’est ce qui, selon vous, conditionne la réussite des CPTS et quelles sont les priorités des prochains mois ? 

Vous l’aurez compris, je crois à l’utilité des CPTS. Le modèle d’organisation est jeune, il va falloir un peu de temps, mais j’espère que nous arrivions aux résultats escomptés. Un des enjeux fondamentaux se trouve dans la formation des fonctions supports, chaînon essentiel pour une bonne coordination des professionnels et une gestion efficace des structures. Les coordonnateurs de CPTS jouent un rôle clé dans la coordination des services de santé au niveau territorial. L’EHESP (École des Hautes Études en Santé Publique) de Rennes propose une formation diplômante pour ce nouveau métier. Essentielle aussi, la formation des professionnels de santé dirigeants des CPTS qui, en plus de leur métier ont des responsabilité financières et juridiques en tant que gestionnaires de fonds publics. Le budget d’une CPTS de taille 3 peut être de 300 0000 € par an. Nous avons lancé au niveau de la Fédération un programme d’accompagnement des dirigeants compatible avec une activité professionnelle. L’enjeu de la montée en compétence est essentiel.

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