Rémunération des libéraux exerçant en SEL : l’administration apporte de nouvelles précisions
Depuis plus d’un an, le sujet des rémunérations des fonctions techniques des libéraux exerçant en SEL fait couler beaucoup d’encre.
De premières précisions avaient été apportées par l’administration via la publication d’un rescrit sur le site BOFiP le 27 décembre dernier mais elles n’éclairaient pas l’ensemble des questions soulevées par ce changement.
Dans ce rescrit, l’administration indiquait notamment que :
- Les rémunérations perçues par les associés des SEL au titre de l’exercice de leur activité libérale dans cette société, sont, en principe, imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), sauf à démontrer que cette activité est exercée dans des conditions traduisant l’existence d’un lien de subordination à l’égard de la société, auquel cas ces rémunérations sont, par exception, imposées dans la catégorie des traitements et salaires ;
- Ledites rémunérations techniques perçues par les associés de la part de SEL ne sont pas soumises à l’obligation de facturation prévue à l’article 289 du CGI et qu’elles n’entrent donc pas dans le champ d’application de la TVA ;
- Lorsque la SEL verse directement une rémunération à l’associé d’une SPFPL, au titre de son activité professionnelle au sein de cette SEL, cette rémunération relève de la catégorie des BNC, qui est applicable aux bénéfices tirés d’une activité libérale conformément à l’article 92 du CGI en l’absence d’un contrat de travail ou d’un lien de subordination ;
- Les associés des SEL peuvent bénéficier du régime « micro-BNC » dès lors que les rémunérations qu’ils perçoivent sont imposées dans la catégorie des BNC et qu’ils respectent les conditions de seuil de recettes prévues par ce régime ;
Par ailleurs, dans une publication concomitante au BOFiP mais à la référence BOI-RSA-GER-10-30 n°530 et suivants, il était indiqué que les règles (à savoir la taxation en BNC) s’appliquent aux rémunérations allouées aux gérants majoritaires de SELARL et aux gérants de SELCA à raison de l’exercice de leur activité libérale au sein de la société, lorsqu’elles peuvent être distinguées des rémunérations qu’ils perçoivent au titre de leurs fonctions de gérant. Néanmoins concernant ce cas précis, l’administration complétait en précisant que l’intéressé doit être en mesure de fournir par tout moyen l’ensemble des éléments de preuve permettant de justifier de cette impossibilité et que l’absence de documents statutaires ou comptables tels que ceux fixant la rémunération accordée par la société au titre des fonctions de gérant ou mesurant le temps passé à l’exercice de ces fonctions n’est pas à elle seule de nature à caractériser une impossibilité de distinguer les rémunérations allouées au titre des fonctions de gérant de celles perçues au titre de l’exercice de l’activité libérale (cf. lien vers la doctrine citée : bofip.impots.gouv.fr). Ce faisant, le champs d’application de l’article 62 du CGI (permettant de taxer les gérants majoritaires de société à responsabilité limitée dans la catégorie des traitements et salaires au titre dudit article 62 du CGI) est limité et, à titre de règle pratique, l’administration admet qu’une part de 5 % de la rémunération d’ensemble perçue par les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA au titre de leurs activités libérale et de gérance correspond aux revenus afférents à leurs fonctions de gérant, imposables dans les conditions de l’article 62 du CGI (en traitement et salaire), qu’il soit possible de les distinguer ou non de la rémunération technique. Dès lors, le solde doit être déclaré en BNC par le libéral dans cette situation.
Pour autant, deux questions majeures demeuraient en suspens. Quid des charges qui étaient acquittées par la SEL au nom et pour le compte des associés ? Les libéraux doivent-ils inscrire les titres de la SEL à leur actif immobilisé dans le cadre de la déclaration BNC ?
L’administration vient de se positionner en actualisant son rescrit le 24 avril dernier (cf. lien ci-après : bofip.impots.gouv.fr).
Concernant la déduction des cotisations professionnelles acquittées par la SEL au nom et pour le compte de ses associés (notamment les cotisations à un contrat « Madelin »), elles constituent un élément de la rémunération totale octroyée à l’associé de SEL dans le cadre de ses fonctions techniques et elles constituent par ailleurs pour ce dernier une recette accessoire ayant un lien direct avec l’exercice de sa profession et de l’activité libérale exercée, venant majorer, pour le même montant, son résultat imposable dans la catégorie des BNC. Par ailleurs, l’associé de la SEL, imposable dans la catégorie des BNC au titre de ses rémunérations techniques, peut procéder à la déduction de ces cotisations dans les conditions et limites posées par les dispositions de l’article 154 bis du CGI. Ces principes sont applicables, dans les mêmes conditions, à l’ensemble des cotisations professionnelles (cotisations ordinales par exemple) acquittées par la SEL au nom et pour le compte de ses associés.
Concernant les autres cotisations, les cotisations dues au titre des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse par les exploitants individuels et les associés de sociétés de personnes en tant que travailleurs non-salariés non-agricoles sont déductibles sans limitation pour la détermination des bénéfices imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. En revanche, les cotisations acquittées au titre des régimes facultatifs d’assurance vieillesse, de prévoyance ou perte d’emploi dans le cadre des contrats « Madelin » ou de régimes facultatifs de sécurité sociale sont soumises au plafonnement prévu à l’article 154 bis du CGI.
Sur la nécessité d’inscrire ou non les parts ou actions détenues par l’associé d’une SEL à son actif immobilisé, l’administration se base sur sa position concernant les parts ou actions de sociétés exploitant une clinique dans le cadre de laquelle le contribuable exerce son activité libérale sans qu’une détention de parts ou actions soit imposée par les statuts ou par le règlement intérieur. Ainsi, l’associé d’une SEL relevant de l’impôt sur les sociétés peut inscrire à son actif immobilisé les parts ou actions de la SEL dans laquelle il exerce son activité professionnelle et les intérêts de l’emprunt contracté pour les acquérir seront déductibles du revenu imposable du détenteur des parts ou actions dans les conditions de droit commun.
Enfin, l’administration complète sa réponse concernant la possibilité, un temps évoqués, pour les libéraux d’opter pour l’IS au titre de cette activité BNC sur la base du dispositif d’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). En effet, les entrepreneurs individuels relevant de l'IR peuvent opter pour leur assimilation à une EURL et sous réserve d’une renonciation expresse, cette option emporte également assujettissement à l’IS. Ce statut s'applique ainsi, notamment, aux membres des professions libérales réglementées exerçant en nom propre. Or, l’administration vient refermer cette option. La jurisprudence a statué que le libéral exerçant en SEL accomplit ses actes professionnels au nom et pour le compte de la société. Tirant les conséquences de ces décisions, l’administration précise que le professionnel associé d'une SEL n’est pas réputé exercer son activité en son nom propre et ne répond donc pas à la définition d’entrepreneur individuel. Dès lors, l’associé d’une SEL ne peut pas exercer l’option et ce, qu’il en soit directement l’associé ou qu’il détienne indirectement les titres de la SEL par l’intermédiaire d’une SPFPL.
Comme vous pouvez le constater, les questions qui découlent de ce changement sont nombreuses et très « techniques ». Nous vous incitons vivement à faire un point complet et approfondi avec vos conseils (avocat, expert-comptable notamment) sur ces questions afin d’adapter vos pratiques et formalités à ce nouvel environnement juridique et fiscal.