Rachat d’une étude de notaire : de la recherche à la signature, comment s’y prendre pour réussir ?
C’est décidé, vous souhaitez reprendre une étude notariale. Après avoir muri votre réflexion, vous commencez vos recherches. Mais comment s’y prendre pour sécuriser les différentes étapes de l’opération ?
Alexandre Panossian, directeur associé du cabinet Bontemps, spécialiste de la transmission d'entreprise pour les professions juridiques, partage avec nous ses conseils pour mener à bien cette aventure exigeante, dont la réalisation peut s’avérer complexe dans un contexte concurrentiel et économique particulièrement tendu.
Est-il difficile aujourd’hui de trouver une étude de notaire à vendre ?
Tout dépend de ce que vous cherchez ! La difficulté dépend de plusieurs facteurs : la localisation géographique, la taille de l'étude, les spécialités recherchées et, bien sûr, le budget disponible (apport libéré, montage financier...). Dans les grandes villes ou les zones à forte densité d’activité, les opportunités peuvent être plus nombreuses. Il faut également être conscient du fait que le notariat est un milieu assez fermé. Les annonces publiques sont rares, -par exemple, de notre côté, nous ne publions que 30 à 40 % des cessions en cours- et repérer les opportunités n’est pas toujours une tâche facile, surtout lorsque l’on cible une région ou une ville précise. Ceci explique que la majorité des transactions se fasse par le biais de réseaux professionnels, de conseils spécialisés ou d’intermédiaires.
Sur quelle base l’acquéreur peut-il s’assurer que l’offre correspond bien à ses attentes ?
L’analyse de la situation de l’offre est une étape évidemment essentielle. Depuis 2013, le notaire cédant à l’obligation de faire réaliser un audit fonctionnel et financier de la structure auprès d’un organisme certifié. Ce dernier permet de mettre en lumière, données chiffrées à l’appui, les forces et les faiblesses de l’étude ainsi que ses principales caractéristiques : historique de l’office, chiffre d’affaires des cinq dernières années, nature des activités, montant des charges, patrimoine mobilier et immobilier, contrats en cours, montant et nature des émoluments, perspectives d’évolution, etc. Les informations contenues dans l’audit vont servir de base de référence aux différentes parties intéressées par la cession : le cédant, le cessionnaire potentiel, mais également les instances professionnelles. Par ailleurs, nous complétons cela avec un dossier qui intègre toutes les données de l’entreprise. Étant valorisateur officiel de l’AGANOT nous évaluons comptablement les offices.
Quels conseils particuliers souhaitez-vous donner aux futurs acquéreurs ?
Le premier conseil concerne la phase de préparation, avant toute recherche d’étude. Le rachat d’une étude de notaire nécessite en effet une réflexion approfondie sur les motivations de ce tournant, les objectifs du projet professionnel et personnel ou encore, le type d’étude recherchée. Chez Bontemps nous avons plus de 1 000 notaires en mandat de recherche. Entre une offre d’achat et une nomination, il faut compter entre six et huit mois. Nous sommes donc très attentifs au fait d’avoir des acquéreurs -et des vendeurs- dont la décision a été murement réfléchie et qui vont garder leur cap tout au long du processus. Notre mission en qualité de cabinet est d’accompagner toutes les parties dans le calendrier que l’on aura défini ensemble. Faire marche arrière a des inconvénients pour tout le monde et peut nuire à votre image et à votre crédibilité auprès des vendeurs, des confrères et des intermédiaires et compliquer les futures démarches si une autre opportunité se présente.
Une fois cette réflexion menée et l’étude trouvée, je conseille vivement de ne rien négliger jusqu’à l’achat et notamment d’avoir en tête que la valorisation comptable d’une étude de notaire ne repose pas uniquement sur des considérations financières telles que les actifs, le passif ou les bénéfices réalisés. L’analyse de l’audit est une étape indispensable mais cela ne suffit pas. Le fonctionnement interne et l’organisation de la structure, les relations entre associés et avec le personnel, la nature de la clientèle ou sa réputation, sont autant de critères qui permettent d’ajuster les estimations. C’est un aspect important de notre valeur ajoutée en tant que conseil spécialisé.
Comment les prix de cession sont-ils encadrés et qu’est-ce qui a changé sur ce plan depuis la loi « Macron » ?
Les cessions d’études notariales s’inscrivent aujourd’hui dans un double contexte, marqué à la fois par une crise structurelle et une crise économique. D’un côté, en effet, la création de plus de 500 nouveaux offices au terme du 4ᵉ horodatage (offices « Macron » issus de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance et l'égalité des chances économiques) a intensifié la concurrence, affectant la rentabilité et la valorisation des structures existantes. De l’autre, la baisse des transactions immobilières pèse directement sur le chiffre d’affaires des études, fragilisant leur rentabilité. Seules les études historiques avec un répertoire important en droit de la famille tirent leur épingle du jeu.
Par ailleurs, depuis 2015, les prix de cession ne sont plus encadrés par les Chambres de notaire, qui jouaient auparavant un rôle central. En conséquence, les prix de cession des offices créés depuis 2017 ont fortement évolué à la hausse, créant une réelle déconnexion entre leur valeur de marché et leur valeur de rentabilité. Il y a toujours un écart entre l’offre et la demande. Ces derniers réclament souvent des montants trois à quatre fois supérieurs à cette valeur, rendant les négociations particulièrement délicates.
Pour les offices « historiques », les différentes méthodologies de valorisation comptable restent les mêmes. En pratique, le coût de l’étude notariale va être estimé à partir de l’approche de la valeur comptable et de l’audit financier sur la base duquel certaines Chambres départementales des notaires et le Conseil régional des notaires vont proposer une fourchette de valeur. Cette première évaluation servira de point de départ à de possibles négociations entre le cédant et le cessionnaire. Il est à noter que l’activité de cession des offices dans le cadre de la loi Croissance dite « Macron » est en constante augmentation depuis le début de l’année dans de nombreuses villes françaises.
Quel est l’impact de cette crise économique et structurelle sur l’évaluation actuelle des cessions ?
Avant tout, il faut distinguer les études historiques des créations dites « Études Macron ». Pour la première catégorie, le sujet est de savoir si 2024 sera plus faible que 2019. Quand on évalue les études historiques, on travaille sur les 5 dernières années et parfois les trois dernières (dans les cas de fusion, changement de marché, arrivée ou changement d’associé…) et on utilise d’autres méthodes comptables d’évaluation. L’année 2024 va substituer 2019. Le delta de baisse entre les deux constitue un facteur clé de référence pour évaluer la dynamique du marché.
Comme chaque année, à partir d’octobre, nous faisons des doubles valorisations avec l’atterrissage du chiffre d’affaires et du résultat qui nous permettent d’observer une légère inflexion sur les valorisations à sortir. Si un rebond de l’activité immobilière est déjà constaté dans certaines régions, il est fortement probable que 2025 n’atteigne pas les niveaux d’activité historiques post COVID (2020 et 2021). C’est donc ainsi que les valeurs d’offices historiques et sur Concours seront plus faibles sur les deux années à venir.
Pour les créations dites « Macron » cela dépend de beaucoup de facteurs. On ne valorisera pas de la même manière une étude créée en 2017 lors du premier horodatage, qu’une étude créée en 2023. Il est également important de spécifier que l’on ne peut pas céder une étude qui ne présente ni une ancienneté, ni une matérialité suffisante.
Chiffre d’affaires, coefficient EBE retraité, localisation géographique, domaine d’activité..., de nombreux facteurs rentrent en compte dans l’évaluation du prix de cession. Nous nous appuyons sur des études précises, dont celle d’Interfimo, qui propose l’analyse d’un grand volume de données provenant d’un large éventail d’études notariales, offrant ainsi une vision fiable et représentative.
Dans le contexte de crise immobilière actuelle, que recommandez-vous ? Est-ce le moment d’acheter ou est-il préférable d’attendre que le marché reparte ?
Nous pensons que 2025 sera une bonne année pour acheter, car nous avons manifestement passé le pic de la crise. On observe une reprise de l’activité dans la plupart des régions. Un certain nombre d’études que nous analysons en ce moment présentent des tableaux de bord qui cherchent à être Iso par rapport à 2023. Comme chaque année, il y a des départs en retraite programmés, des restructurations et départs d’associés qui pourront présenter des perspectives intéressantes. Nous constatons également qu’un certain nombre de projets de cession, mis entre parenthèse en 2024, seront en vente dans quelques semaines. En règle générale, les études premiums ne restent pas longtemps sur le marché. Les créations « Macron » sont en pleine consolidations, et certaines en cours de cession. L’année 2025 sera une année d’opportunité en termes de cessions, fusions et associations pour ceux qui sauront les saisir.
Notes et références
- Le cabinet Bontemps a réalisé 45 opérations de cessions d’offices notariaux en 2023 sur toute la France. Une partie des cessions du cabinet peuvent être consultées ici
- La dernière étude Interfimo sur les prix de cession des études de notaires est parue le 12 novembre 2024 ici