Projet de loi de finances pour 2019 : des mesures intéressantes pour les libéraux ?
Le projet de loi de finances pour 2019 et le projet de loi de finances rectificative pour 2018 actuellement en cours de discussions devant les assemblées se distinguent assez sensiblement des années précédentes.
Concernant le projet de loi de finances pour 2019, nous constatons une certaine stabilité. Pas de grande réforme comme nous avons pu le connaître l’an dernier avec la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou encore la suppression de l’ISF et son remplacement par l’IFI (voir nos posts sur ce sujet : Les projets de loi de finances pour 2018 et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 annoncés et Imposition des plus-values de cession: les surprises du projet de loi de finances 2018).
Le projet de loi de finances pour 2019 vient d’être adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale mardi 20 novembre dernier et les mesures suivantes (liste non exhaustive) sont de nature à intéresser les libéraux.
La transmission intrafamiliale de l’entreprise libérale favorisée par des assouplissements apportés au dispositif du pacte Dutreil
Le dispositif dit Dutreil permet de transmettre l’entreprise libérale, généralement dans le cadre familial, par donation ou succession en bénéficiant d’un abattement significatif de 75 % sur la valeur de l’entreprise. Naturellement, ce dispositif est soumis au respect de certaines conditions notamment :
- un engagement collectif de conservation des titres,
- portant sur 34 % du capital de la société non cotée,
- d’une durée de 2 ans et en cours à la date de la transmission,
- l’exercice d’une fonction de direction au sein de l’entreprise,
- un engagement individuel des donataires ou héritiers de conserver les titres reçus pendant une durée de 4 ans.
En pratique, les libéraux ne peuvent pas tous donner ou transmettre l’entreprise libérale à l’ensemble de leurs enfants en raison des règles de détention du capital des sociétés d’exercice (SEL, SCP ou société de droit commun) qui très souvent, limitent, voir interdisent pour certaines, la détention par des non libéraux.
Dans ce contexte, il est fréquent que l’entreprise soit transmise à l’enfant repreneur via une donation d’une partie du capital en bénéficiant du dispositif Dutreil, à charge pour lui de désintéresser ses frères et sœurs par le versement d’une soulte. Financièrement, l’idéal est de faire financer cette soulte par une société holding dite Société de Participations Financières de Professions Libérales ou SPFPL mais cela n’est aujourd’hui techniquement possible que durant la période d’engagement individuel de conservation (soit au maximum 2 ans après la date de la donation).
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit d’assouplir cette contrainte
En effet, il arrive en pratique que les frères et sœurs n’acceptent pas de différer dans le temps la perception de leur soulte. Le projet propose que l’apport des titres reçus avec le bénéfice du régime de faveur et la prise en charge de la soulte par la SPFPL soit possible au cours de l’engagement collectif de conservation c’est-à-dire immédiatement ou peu de temps après la donation. Voici une excellente nouvelle qui favorisera sans aucun doute le recours au moins partiel à ce dispositif pour la transmission au sein de la famille de l’entreprise libérale.
De plus, le projet de loi lève la forte sanction qui pesait en cas de cession partielle des titres objet de l’engagement collectif après la donation. En effet, la cession partielle entraine à ce jour la remise en cause du régime de faveur. Sanction particulièrement dissuasive mais manquant de souplesse face à la diversité des situations pouvant se rencontrer en pratique. Le projet de loi prévoit que la remise en cause se ferait uniquement à due concurrence des titres cédés ou donnés. Heureuse mesure.
Enfin, le régime est aujourd’hui assorti d’obligations déclaratives annuelles assez lourdes pendant les durées d’engagement de conservation. Le projet dispose qu’il n’y aurait plus de déclaration à produire sauf si l’administration en fait la demande.
Nous ne pouvons que saluer ces assouplissements dont certains étaient demandés depuis plusieurs années par les praticiens.
La prise en compte du crédit-vendeur enfin améliorée
L’article 50 du projet de loi tente de favoriser le recours au crédit-vendeur.
Actuellement, l’article 1681 F du CGI prévoit un dispositif d’étalement de l’impôt sur le revenu afférent aux plus-values professionnelles à long terme réalisées par les entreprises individuelles (libéraux exerçant en nom propre) dans l’hypothèse où le vendeur accepte un paiement différé ou échelonné du prix (encore appelé crédit-vendeur). Ce dispositif, applicable sur demande du contribuable, à l'occasion de la cession à titre onéreux de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une branche complète d'activité ou à l'occasion de la cession d'un fonds de commerce, d'un fonds artisanal ou d'une clientèle, est réservé aux entreprises de moins de 10 salariés et qui ont un total bilan ou un chiffre d’affaires inférieur à 2 M€ au titre de l’exercice au cours duquel la cession a lieu. En pratique, le paiement de l’impôt peut, si des garanties sont apportées par le contribuable, être étalé sur la période prévue par le plan de règlement échelonné (période du crédit-vendeur) sans toutefois pouvoir excéder le 31 décembre de la cinquième année qui suit la vente.
Ledit projet propose d’élargir le dispositif aux entreprises exploitées sous forme de société (c’est-à-dire à la fois les libéraux exerçant en nom propre mais également ceux exerçant dans des sociétés notamment SEL ou SCP), d’une part, et de relever les seuils à moins de 50 salariés et réalisant un total de bilan ou un chiffre d’affaires inférieur à 10 M€ au titre de l’année où la cession a lieu, d’autre part. En l’état actuel des discussions, il serait réservé aux opérations de cession portant sur la majorité du capital social et à l’issue de laquelle la société ne doit plus être contrôlée par le vendeur. Dans ce cadre, le paiement de l’impôt sur le revenu lié à la vente pourrait alors, sous réserve de la constitution de garanties, faire l’objet d’un plan de règlement échelonné à la condition que les parties aient convenu d’un paiement différé ou échelonné de la totalité ou d’une partie du prix (crédit vendeur).
Cette mesure permettra, selon nous, d’aligner le règlement de l’impôt sur la perception des liquidités pour le vendeur qui accepte de faciliter la reprise de son entreprise libérale par l’octroi d’un crédit vendeur.
Le cadre fiscal des opérations d’apport-cession favorisées
Les opérations d’apport-cession sont les opérations d’apport de titres à une société holding (SPFPL) suivi de la vente, dans un délai plus ou moins long, par la holding des titres reçus. Ces opérations présentent plusieurs avantages (notamment un coût fiscal très faible) mais font l’objet d’une réglementation stricte prévoyant, entre autre, lorsque la vente par la holding intervient dans les 3 ans suivant l’apport que la holding réinvestisse 50 % du produit de cession dans une activité économique dans les 24 mois suivant la vente.
Les parlementaires ont introduit un nouvel article 51 quater au projet de loi de finances pour 2019 élargissant les possibilités de réinvestissement. Certes, le projet porte le quotas de réinvestissement de 50 % à 60 % du produit de cession mais il ouvre en contrepartie la possibilité de réinvestir dans certaines structures de capital investissements (Fonds communs de placement à risque, Fonds professionnels de capital investissement, sociétés de libre partenariat ou encore de sociétés de capital-risque) qui remplissent certaines conditions et qui ont vocation à investir dans des PME opérationnelles.
Cet élargissement va, selon nous, dans le sens d’une sécurisation des contribuables qui souhaitent recourir à ce schéma. En pratique, le délai de 24 mois pour le réinvestissement dans une activité économique par la holding est assez court notamment si le projet initialement ciblé n’aboutit pas. La possibilité dans cette situation de réinvestir via une structure professionnelle de capital investissement dans des PME opérationnelles permettra alors de remplir la condition prévue tout en atteignant l’objectif économique poursuivi par le législateur.
Concernant, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 il ne comporte aucune disposition fiscale. Ce qui est une première depuis de nombreuses années !
Naturellement, l’ensemble de ces dispositions pourront encore évoluer jusqu’à l’adoption définitive du texte dans des termes identiques par les deux assemblées et sous réserve d’une censure possible par le Conseil constitutionnel.
Nous vous tiendrons informé des avancées sur ce texte et procéderons en début d’année à une analyse plus approfondie des mesures qui auront été définitivement adoptées.