Le contrôle fiscal des professions libérales : à quoi s'attendre et comment bien s'y préparer ?
Réglementées ou non, les professions libérales n’échappent pas aux règles fiscales applicables à toute entreprise et s’exposent, à ce titre, à un éventuel contrôle de l’administration. Quand l’administration frappe à la porte, mieux vaut être prêt... !
Quelles sont les situations qui déclenchent un contrôle ? Comment se déroule-t-il concrètement ? Et surtout, comment s’y préparer efficacement ? Le point avec Alfred Lortat-Jacob, avocat associé chez Cornet Vincent Ségurel.
Sur le plan fiscal, les professions libérales sont soumises à des obligations comme toute entreprise ayant vocation à réaliser des bénéfices. Elles peuvent de ce fait être soumises à un contrôle fiscal qui a pour but de vérifier les obligations comptables du professionnel, de détecter les éventuelles fraudes et d’appliquer les sanctions, en cas de fraude ou de manquements significatifs aux obligations et à la règlementation fiscale.
Il est donc essentiel pour un professionnel de comprendre et d’anticiper les principaux mécanismes de ce contrôle, les droits et obligations qui en découlent, ainsi que les moyens de s'y préparer efficacement.
Quels sont les principaux facteurs de déclenchement d’un contrôle fiscal ?
Le nombre d’entreprises dont les professions libérales font parties, ne permet pas à l’administration fiscale de procéder à des contrôles fiscaux pour la totalité. Aussi, certains éléments sont de nature à rendre le professionnel plus visible pour l’administration et à déclencher une opération de contrôle.
Ainsi, l’administration sélectionne les dossiers en fonction des informations qui lui sont transmises spontanément par les contribuables (déclarations diverses), par des tiers (banques, assureurs, employeurs, administrations, etc.) ou qu’elle obtient dans le cadre de contrôle fiscaux déjà effectués.
Parmi les informations récoltées, certaines sont plus sensibles pour générer des rehaussements, par exemple :
- le montant des disponibilités dégagées,
- la rotation des stocks,
- le rendement des immobilisations,
- les déficits importants,
- la discordance d’une année à l’autre du chiffre d’affaires découlant des déclarations de résultat,
- les incohérences par rapport aux données générales de la profession ou du secteur.
Dès lors, si ces indicateurs diffèrent sensiblement des autres professionnels du même secteur d’activité, le risque de déclenchement d’un contrôle fiscal est plus élevé.
Sont egalement des sources de contrôle :
- la réalisation d’opérations de restructuration (mise en société de l’activité, par exemple),
- le regroupement entre sociétés bénéficiaires et déficitaires,
- les relations commerciales ou financières avec des sociétés défaillantes.
Enfin, il est essentiel de respecter les obligations fiscales déclaratives en souscrivant spontanément et avec diligence toutes les déclarations comptables et fiscales qui s’imposent. Bien entendu, l’aide d’un conseil (expert-comptable ou avocat) est important pour assurer la bonne exécution de ces obligations.
Qu'est-ce qu'un contrôle fiscal ?
Le contrôle fiscal est une procédure par laquelle l'administration vérifie la conformité des déclarations fiscales d'un contribuable avec la réalité de sa situation.
Pour les professions libérales, cela peut concerner l'impôt sur le revenu et en particulier la déclaration des bénéfices (bénéfices commerciaux - BIC ou bénéfices non commerciaux - BNC), l’impôt sur les sociétés pour les activités exercées au sein de structure, la TVA, la cotisation foncière des entreprises (CFE), entre autres.
En réalité, il existe plusieurs types de contrôles, de telle sorte que le professionnel peut faire l’objet d’un contrôle fiscal sans en avoir connaissance, sauf à recevoir par la suite une proposition de rectification.
Les principaux types de contrôle sont :
- le contrôle sur pièces : réalisé à distance, il consiste en l'examen des déclarations et des documents transmis par le contribuable ;
- la vérification de comptabilité : effectuée sur place, elle permet à l'administration d'examiner la comptabilité du professionnel dans ses locaux ;
- l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) : elle vise à vérifier la cohérence entre le train de vie du contribuable et ses revenus déclarés.
Pourquoi les professions libérales sont-elles ciblées ?
Les professions libérales présentent des caractéristiques spécifiques : autonomie dans la gestion, diversité des régimes fiscaux, complexité des revenus, etc.
Ces particularités peuvent entraîner des erreurs ou des omissions involontaires, mais aussi, dans des cas spécifiques, des fraudes. L'administration fiscale porte donc une attention particulière à ces professions pour s'assurer de la sincérité des déclarations.
Les sujets d’attention de l’administration pour ces activités concernent notamment :
- un niveau de rémunération excessif par rapport aux autres professionnels du même secteur, ou des avantages en nature divers ;
- l’utilisation à des fins personnelles et sans contrepartie réelle, des éléments d’actif de la société (immeuble, par exemple) ;
- des frais de voiture incohérents par rapport à la nature de l’activité réalisée, présumant une utilisation à des fins personnelles ;
- la récupération de la TVA sur des notes de frais ou factures ne respectant pas des conditions formelles (absence de numéro Siret, par exemple).
Quelles sont les principales étapes d’une « vérification de comptabilité » ?
L'avis de vérification de comptabilité
Le contrôle débute généralement par l'envoi, par lettre recommandée, d'un avis de vérification qui précise notamment la nature du contrôle, la période concernée et les documents à fournir. L’avis de vérification doit également indiquer que la Charte du contribuable vérifiée peut être consultée sur le site internet de l’administration fiscale.
Généralement, le professionnel dispose d'un délai raisonnable pour se préparer et rassembler les pièces demandées afin de recevoir l’inspecteur des impôts pour sa première visite.
Le déroulement du contrôle
Lors d'une vérification de comptabilité, l'inspecteur des impôts se rend dans les locaux du professionnel pour examiner les documents comptables, les factures, les relevés bancaires, etc. Il peut poser des questions et demander des explications sur certaines opérations.
Dès le début des opérations, il convient de communiquer le fichier des écritures comptables (FEC), en présence d’une comptabilité informatisée. Ce document, préparé par l’expert-comptable est essentiel. À défaut, il existe une sanction élevée à l’encontre du professionnel (procédure de rectification d’office et pénalités).
Le contrôle ne peut en principe porter que sur les trois derniers exercices en date. Au-delà, il y a prescription. Ce qui implique que toutes irrégularités antérieures constatées ne peuvent pas être sanctionnées par l'administration fiscale.
Dans certains cas, le professionnel peut demander que les interventions de l’inspecteur des impôts se déroulent dans d’autres lieux comme les locaux de l’expert-comptable.
Pour les professionnels dont le chiffre d’affaires est inférieur à certains seuils (254 000 € pour les prestations de services ou les activités relevant des BNC), la durée de la vérification ne peut, en principe, excéder trois mois.
La proposition de rectification
À la fin de la procédure de vérification, l’inspecteur adresse au professionnel ses conclusions :
- Si aucune anomalie n’est retenue, l’inspecteur envoie un avis d’absence de rectification et le dossier est clôturé.
- Si des anomalies sont constatées, l'administration adresse une proposition de rectification, détaillant les redressements envisagés. Le professionnel dispose d'un délai pour répondre, accepter ou contester les rectifications, en argumentant sa position et en transmettant des informations et preuves complémentaires.
Attention : le délai pour répondre à l’inspecteur est de trente jours (prorogeable, sur demande, de trente jours supplémentaires). À défaut de réponse dans ce délai, les rectifications de l’inspecteur sont présumées être acceptées.
La phase contentieuse
En cas de désaccord persistant, le professionnel peut engager une procédure contentieuse, en saisissant notamment la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, voire le tribunal administratif.
Quels sont les droits du professionnel lors d'un contrôle fiscal ?
Le contribuable bénéficie de plusieurs garanties lors d’un contrôle fiscal par l’administration et principalement :
- Droit à l'information : il doit être informé de la nature et des motifs des rectifications proposées par l’inspecteur ;
- Droit à l'assistance : il peut se faire assister par un conseil, à savoir un expert-comptable et/ou un avocat ;
- Droit au respect du contradictoire : il peut présenter ses observations, notamment verbalement lors du contrôle et contester les rectifications proposées ;
- Droit au respect du secret professionnel : les informations recueillies par l’inspecteur sont strictement confidentielles. La loi encadre le droit de communication de l’administration fiscale, qui ne peut porter que sur l’identité du client, le montant, la date et la nature du versement, ainsi que sur les pièces justificatives y afférentes.
Comment bien se préparer à un contrôle fiscal ?
Le contrôle fiscal est une réalité à laquelle les professions libérales doivent se préparer. En particulier, en respectant les recommandations ci-après, le professionnel peut aborder cette étape avec plus de sérénité.
Tenir une comptabilité rigoureuse
La première étape est de maintenir une comptabilité à jour, conforme aux obligations légales. Cela inclut la conservation des pièces justificatives, la production du FEC et la vérification régulière des écritures.
Respecter le calendrier fiscal
L’administration est également particulièrement attentive au respect des obligations déclaratives ; il est donc fondamental de souscrire spontanément et avec rigueur l’ensemble des déclarations comptables et fiscales requises, de préférence avec l’appui d’un expert-comptable habitué aux spécificités du secteur concerné, et en lien avec un avocat fiscaliste, afin de garantir la conformité et de bénéficier de bases de comparaison pertinentes.
Se faire assister et conseiller
Faire appel à un expert-comptable ou un avocat fiscaliste permet de sécuriser sa comptabilité et d'anticiper les risques. Ces professionnels peuvent également assister le contribuable lors du contrôle.
Adhérer à un OGA
L’adhésion à un Organisme de Gestion Agréé (OGA) constitue un véritable atout, en offrant un accompagnement de qualité et en renforçant la crédibilité de l’entreprise auprès de l’administration fiscale.
Anticiper les évolutions de la règlementation fiscale
Se tenir informé, notamment par l’intermédiaire de son conseil, des changements législatifs et réglementaires permet d'adapter la gestion de l’entreprise en conséquence et d’éviter les anomalies fiscales, sources de redressements et d’impositions supplémentaires.