Cap sur 2025 : préserver, anticiper, construire
Cap sur 2025 avec Christophe Sans, président de l’union nationale des professions libérales (UNAPL), qui a partagé avec OnLib’Infos ses actions prioritaires pour 2025, destinées à renforcer l'accompagnement des libéraux, préserver leur indépendance et anticiper les changements à venir. En vue notamment, la généralisation des Maisons des professions libérales (MPL) et la mise en place d’un Observatoire inédit.
En 2024, les professionnels libéraux ont été bousculés par la réforme de la doctrine fiscale. Quelles ont été les initiatives menées par l’UNAPL pour défendre leurs intérêts face à ces changements ?
Nous nous sommes fortement mobilisés sur la réforme de la doctrine fiscale concernant les sociétés d’exercice libéral. Sur le plan politique, nous avons mené des actions auprès de la Direction de la législation fiscale pour modifier le texte et démontrer que certains ressortissants risquaient de payer davantage qu’auparavant. À travers des amendements, nous avons demandé à ce que les sociétés d’exercice libéral (SEL) puissent opter pour un abattement pour frais professionnels de 10 %, dans la limite de ce qui existait avec l’article 62. Bien que cette proposition ait été rejetée jusqu’à présent, nous ne perdons pas espoir. Nous avons également fait le choix, contrairement au Conseil national des barreaux (CNB), de ne pas engager d’action en justice contre ce changement doctrinal, tout en restant vigilants et en gardant toutes les options ouvertes.
Par ailleurs, nous avons mis en place une démarche structurée à destination des organisations membres et des professionnels libéraux, incluant des webinaires, des formations ciblées et des articles pédagogiques. Certains de ces contenus, parus notamment dans la newsletter d’Interfimo (OnLib’Infos), ont permis d’accompagner les professionnels dans la compréhension et l’application des nouvelles dispositions fiscales.
Où en est l’objectif de généralisation des Maisons des professions libérales sur le territoire ? Et pour celles qui sont déjà opérationnelles, quels sont les apports constatés ?
La création des MPL est une initiative portée par l’UNAPL depuis plusieurs années, et que j’ai choisi d’inscrire parmi les priorités majeures de mon mandat. Nous avançons à grand pas, et l’année 2024 a permis la création du projet, la définition d’un cahier des charges et de services, ainsi que tout le travail de fond nécessaire avec les pouvoirs publics, France travail, l’APEC, la Direction générale des Entreprises (DGE) et le ministère afin d'établir et renforcer la reconnaissance des Maisons à tous les niveaux. Comme beaucoup d’autres sujets, l’avancée du projet a été perturbée par la dissolution de l‘Assemblée nationale, mais nous avons tout de même abouti, en fin d’année, à la labellisation de deux maisons, l’une à Nice et l’autre à Bordeaux. D’autres Maisons, comme Rennes ou Montpellier sont en attente de labellisation. L’objectif de 2025 est d’accélérer le mouvement pour avoir, d’ici la fin de l’année, 15 maisons labellisées, dont une en Guadeloupe et l’autre à la Réunion.
Destinés à être implantés sur chaque territoire, ces lieux physiques d’accueil ont vocation à soutenir les professionnels libéraux en réunissant les compétences nécessaires pour leur offrir toute l’information, la formation et les services dont ils ont besoin pour créer leur activité, exercer sereinement d’un point de vue économique et social, se développer et anticiper les difficultés concernant les étapes sensibles d’une carrière, comme l’installation, la transmission ou la retraite. Ces MPL visent, notamment, à aider les micro-entrepreneurs et les professionnels libéraux non réglementés, souvent laissés de côté par les dispositifs classiques, en leur offrant un cadre adapté et des ressources accessibles.
L’UNAPL continue de travailler sur le grand chantier de l’Intelligence Artificielle. Ce sera le thème du Congrès annuel qui se tiendra dans quelques jours. Qu’en attendez-vous ?
L’intelligence artificielle est un sujet central pour les professionnels libéraux. La réflexion a été initiée par Michel Picon, ancien président de l’UNAPL et président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), avec une thématique consacrée à l’IA dans le congrès de l’an dernier et porteur d’échanges passionnants sur le potentiel de l’intelligence artificielle et ses implications dans les pratiques des professionnels libéraux. Nous poursuivons ce travail en franchissant une nouvelle étape sous un angle très concret. Le prochain congrès annuel de l’UNAPL qui se tiendra le vendredi 31 janvier, illustre parfaitement cette dynamique. Nous avons souhaité en faire un véritable laboratoire d’idées et d’innovations avec, notamment, la création d’un village connecté réunissant une douzaine de startups. Cet espace sera l’occasion de mêler réflexion intellectuelle et échanges pratiques entre professionnels mais aussi avec la DGE, afin de sensibiliser les acteurs technologiques aux réalités et aux défis spécifiques des professions libérales.
L’IA bouscule totalement nos modes d’exercice. Nous ne restons pas spectateurs : nous travaillons sur le terrain et nous accompagnons ces mutations pour permettre aux professions libérales de continuer à évoluer dans le respect de leurs valeurs fondamentales.
Quelles sont les trois objectifs prioritaires de l’UNAPL en 2025?
Je ne reviendrai pas sur le premier objectif, déjà abordé, qui vise à généraliser les MSP afin de soutenir, sur l’ensemble du territoire, les professionnels libéraux dans leur pratique quotidienne et le développement de leur activité.
Le second objectif prioritaire porté par l’UNAPL se concentre sur l’intelligence artificielle, enjeu majeur pour les professions libérales. Comme je l’ai dit précédemment, l’IA va bouleverser notre ADN et touchera à la fois notre façon d’exercer, l’indépendance qui est au cœur de notre identité et la gestion des nouvelles mutations, comme la financiarisation croissante de certains métiers. Pour anticiper ces changements, nous avons mis en place plusieurs groupes de travail au sein de l’UNAPL, dont un sur les notions d’identité et d’indépendance, dirigé par Denis Raynal, vice-président de l'UNAPL délégué au droit, et un autre, spécifiquement dédié à la financiarisation, piloté par François Blanchecotte, vice-président délégué Santé de l'UNAPL.
Nous travaillons par ailleurs en étroite collaboration avec les pouvoirs publics pour mesurer l’impact de ces évolutions et définir les accompagnements nécessaires. L’objectif est double : préserver l’héritage des professions libérales tout en construisant un nouveau corpus adapté aux enjeux contemporains. Cela passe par l’intégration des avancées de l’IA, mais aussi par une réflexion sur des problématiques récurrentes comme l’isolement des professionnels libéraux, la communication et la pédagogie.
Mon troisième projet prioritaire est la création d’un Observatoire des professionnels libéraux. Avec environ 350 000 créations d’entreprises libérales chaque année, il devient indispensable de disposer de données propres et précises pour mieux comprendre qui sont les professionnels libéraux en France et anticiper les tendances qui les impactent. Des données comparatives avec d’autres pays en Europe et dans le reste du monde seront également très utiles pour comprendre les évolutions et concevoir des actions adaptées. La mise en place de cet Observatoire répondra à un besoin clé : fournir aux organisations membres de l’UNAPL, aux décideurs publics et aux acteurs économiques des informations fiables et structurées pour éclairer les politiques publiques et orienter les initiatives sectorielles de manière pertinente et efficace. C’est également un moyen de cerner les besoins en compétences, en formation continue et en accompagnement des professionnels libéraux, afin d’ajuster les offres disponibles et formuler des recommandations pertinentes pour préparer au mieux les nouvelles générations aux évolutions de leur métier. Nous espérons pouvoir concrétiser ce projet ambitieux dès 2026.
Qu’avez-vous envie de dire à un jeune ou futur professionnel libéral et quel conseil lui donneriez-vous pour qu’il réussisse et s’épanouisse dans le contexte actuel ?
À un jeune ou futur professionnel libéral, je dirais : « Rejoignez-nous et soyez fiers d’être professionnel libéral ! » Dans un monde qui valorise de plus en plus la liberté, exercer en toute indépendance est une chance unique. Le secteur est porteur et offre des opportunités incroyables, notamment pour ceux qui souhaitent entreprendre et choisir eux-mêmes leur manière de travailler.
Mais je complèterais mes propos en lui disant une chose qui est, à mon sens, fondamentale : ne pas rester seul, créer des liens. Car si l’autonomie au cœur de notre identité est précieuse, elle ne doit pas rimer avec isolement. Les professionnels libéraux doivent se connecter, explorer ce qui se fait ailleurs et ne pas rester figés dans leur pratique.
Se connecter aux autres est également essentiel face à un triste constat, celui de l’essor de l’agressivité et des violences faites aux professionnels libéraux. Pharmaciens, médecins, infirmiers, experts en automobiles, avocats, ... ils sont de plus en plus nombreux à subir des agressions dans l’exercice de leurs fonctions. Cette situation me préoccupe profondément. Nous avons engagé des discussions avec le ministère de l’Intérieur pour aborder ce problème, notre audience a été reportée mais elle aura lieu. Nous restons déterminés à agir et nous ne lâcherons rien.
Mon conseil serait donc : « Installez-vous, exercez librement et soyez fiers d’appartenir à cette belle communauté des professionnels libéraux. Mais surtout, ne restez pas seuls ! Créez des liens, explorez, ouvrez des portes, notamment celles des Maisons des professions libérales, conçues précisément pour vous accompagner et vous rassembler ».